Réforme des soldes : les détaillants seuls contre tous

Comme nous l’avions annoncé précédemment, les soldes seront réduits à 4 semaines, au lieu de 6 actuellement. Aucune modification des dates de soldes, ni même un encadrement des promotions n’est en revanche à l’ordre du jour. Car sur ce point, les indépendants sont bel et bien seuls contre tous.

La concertation voulue par le ministre de l’économie Bruno Le Maire et conduite par le Conseil du Commerce de France a finalement confirmé nos doutes : face aux soldes, les indépendants sont seuls contre tous. Alors certes, quelques points d’accords apparaissent entre l’ensemble des acteurs du secteur, comme la volonté de conserver un dispositif de deux périodes légales de soldes, de ne pas toucher aux dérogations de dates pour les zones frontalières, ou encore de ne surtout pas réinsérer de périodes de soldes flottants. Et puis enfin celle de réduire la période des soldes, « de 4 à 5 semaines », comme l’explique la Commission de Concertation du Commerce (3C), dont la mission fut de recueillir les voix des différentes branches du secteur, avant de transmettre son compte rendu au ministre de l’économie. C’est donc cette dernière option qui devrait être retenue pour la prochaine édition des soldes d’hiver 2019. Et peu importe si, comme le souligne le rapport , « pour les commerçants indépendants le principe d’une réduction de la durée est conditionné au recul des dates de démarrage ; à défaut, ils souhaitent le maintien de la durée actuelle, c’est-à-dire six semaines ». 

Les dates de soldes divisent la profession

Le principal enjeu de la consultation était pourtant bien ici : si l’on ambitionne de mener une véritable réforme des soldes, les dates ne peuvent rester telles qu’elles sont aujourd’hui. Le problème est que la voix des indépendants est minoritaire. Et face à l’ensemble des chaines, grands magasins, hyper et supermarchés, magasins de sport et désormais les pures players d’internet, les détaillants ne font plus le poids. Le rapport de la 3C ne manque pas de le souligner à travers ses chiffres. « Pour le seul secteur de l’habillement, qui représente plus de 70 % des produits achetés pendant les soldes, 47,8 % du marché souhaitent un avancement des soldes, 31,8 % sont favorables au maintien de la date actuelle et 20,5 % souhaitent un recul du démarrage des soldes », précise le compte rendu. 

Position des différentes fédérations sur le démarrage des soldes d’hiver/été

La messe est dite. Solder la collection estivale en début d’été n’a de toute façon plus rien de choquant pour nombre de consommateurs aujourd’hui. Ni même pour les représentants des pouvoirs publics semble-t-il ! C’est en tout cas ce qu’a laissé comprendre Delphine Gény-Stephann, tout juste nommée secrétaire d’Etat auprès de Bruno Le Maire, dans un entretien accordé au Parisien. « Il est difficile de concilier la vision des petits commerçants qui souhaitent faire des soldes une période de déstockage en toute fin de saison et le souhait des grandes enseignes qui aimeraient rapprocher cette période du moment des Fêtes, plus propice, et profiter de l’afflux touristique. » Solder pour faire du déstockage, ce serait donc démodé…

« Il est difficile de concilier la vision des petits commerçants qui souhaitent faire des soldes une période de déstockage en toute fin de saison et le souhait des grandes enseignes qui aimeraient rapprocher cette période du moment des Fêtes »

Et lorsque la question est posée à la secrétaire d’Etat de savoir pourquoi le gouvernement n’a pas profité de cette réforme des soldes pour privilégier les revendications des commerçants indépendants de centre-ville, plutôt que des grandes enseignes et plateformes de vente en ligne, sa réponse montre une nouvelle fois sa méconnaissance de la problématique : « Nous ne souhaitions pas utiliser le levier des soldes pour favoriser l’un ou l’autre. Les soldes doivent être préservés comme un moment commun à toutes les formes de commerce », explique-t-elle. En oubliant donc que les dates actuelles avantagent déjà largement la logique commerciale des grandes enseignes et pures players. En les conservant, on pénalise les indépendants. D’où l’intérêt d’une réforme ! 

Pas de réglementation des promotions en vue

Au-delà de la question des soldes, la création de cette commission spécifique au commerce devait également être l’occasion de soulever une autre problématique de taille : la réglementation des promotions. Lors de notre dernier sondage qui a réuni plus de 2000 professionnels du secteur, 75% réclamaient ainsi une législation à ce sujet. Une revendication qui est une nouvelle fois restée lettre morte. A l’inverse, interrogée sur la possibilité de réglementer les ventes privées qui interviennent juste avant les soldes, la secrétaire d’Etat a répondu par la négative. « L’organisation des ventes privées relève des commerçants eux-mêmes, dès lors qu’il ne s’agit pas de soldes, c’est-à-dire de ventes à perte », a-t-elle expliquée. Ou comment légitimer le gonflement artificiel des marges, alors même que les consommateurs sont de plus en plus méfiants face aux prix affichés en boutique.

« L’organisation des ventes privées relève des commerçants eux-mêmes dès lors qu’il ne s’agit pas de soldes, c’est-à-dire de ventes à perte »

A l’inverse, Delphine Gény-Stephann annonce la très probable création d’un évènement national du type Black Friday, sur deux ou trois jours, au printemps ou au mois de novembre… Un non-événement donc, puisque le Black Friday existe déjà, à la différence que cette fois-ci il sera institutionnalisé. Là encore, une mesure que désapprouvent une grande partie des détaillants, mais réclamée par « une grand majorité » du secteur. Tout un symbole du décalage qui existe aujourd’hui entre la majorité des enseignes et les indépendants. Deux visions divergentes du métier de commerçant. Et derrière ça, des pratiques commerciales, sociales et parfois même fiscales totalement éloignées. 

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