Accessibilité aux handicapés : restez zen !
Initialement prévu au 1ier janvier 2015, les commerces de proximité disposent d’un délai supplémentaire de 1 à 3 ans afin de rendre leur établissement accessible aux personnes handicapées. Une date repoussée principalement pour des raisons techniques ou budgétaires, même si en l’absence de clause l’imputant au locataire, c’est au bailleur de supporter le coût des travaux.
Rendre une boutique de mode accessible aux handicapés, aux termes de la loi du 11 février 2005, peut sembler facile. À l’entrée, il ne faut pas de marche supérieure à 2 cm et une porte large d’au moins 80 cm (certains chiffres varient selon que la boutique est nouvelle ou existe déjà). À l’intérieur, les passages doivent faire 1,20 m de large, voire 90 cm seulement sur une faible longueur. Pour les cabines d’essayage, c’est 150 x 150 cm, mais deux cabines ordinaires séparées par une cloison amovible peuvent faire l’affaire. Enfin, le comptoir de caisse doit être abaissé. De fait, la plupart des points de vente des grands réseaux et des centres commerciaux sont aux normes. « Nous avons revu l’agencement et le mobilier il y a cinq ans et installé, par exemple, une tablette pour les chèques » raconte Jean-Pierre Gonet, de Betty Delf à Montpellier. Le problème, c’est avec les multimarques de centre-ville. Le coût des travaux, en période de crise, n’est pas négligeable (même avec l’aide d’un FISAC). Surtout, les aménagements sont gourmands en m². « Cet été, j’ai profité de la rénovation de ma boutique pour mettre mes cabines aux normes. Il a fallu jouer sur les réserves, passées de 15 à 10 m² » explique Brigitte Villeminey, de W10 à Bassens. Une souplesse dont ne dispose pas Pauline Cormarie, de Nine et Violette à Arcachon : « Pour accéder à la partie haute de ma boutique, il y a quelques marches. L’aménagement d’une rampe diviserait par deux la superficie d’exposition ! » Et Jean-Pierre Gonet de s’interroger sur le devenir « des boutiques dont les allées étroites sont formées par des piles de boîtes de chaussures »…
Heureusement, la loi a prévu des dérogations, notamment en cas de « disproportion manifeste entre les améliorations apportées et leurs conséquences ». Par ailleurs, il est peu probable que des sanctions (fermeture d’établissement, amende…) soient prononcées à l’encontre les ERP (établissements recevant du public) qui ne seront pas aux normes. Actuellement, 85% des ERP seraient inaccessibles, dont beaucoup d’organismes publics et des cabinets médicaux… En revanche, les créations ou rénovations de boutiques devraient bénéficier de moins d’indulgence. Les détaillants ont cependant intérêt à dialoguer, localement, avec les associations d’handicapés. « Les tables rondes nous ont beaucoup appris, raconte Catherine Choquet, adjointe au Maire déléguée aux personnes handicapées, à Nantes, sur les baux commerciaux qui font souvent peser le coût des travaux sur le preneur ou sur l’impact de certains aménagements sur le chiffre d’affaires. » Et pour comprendre l’attente des handicapés, Jean-Marie Barbier, président de l’Association des paralysés de France, rappelle que « la première loi sur l’accessibilité date de 1975 et que les centres commerciaux sont plus accessibles parce qu’ils ont été conçus pour les caddies… ».
Un difficile retour sur investissement
Selon des associations de personnes handicapées, le défaut d’accessibilité des commerces causerait une perte de 10% de chiffre d’affaires. Un résultat invérifiable, faute de source. Les détaillants que nous avons interrogés n’y croient pas, à juste titre. Les personnes en fauteuil, principales bénéficiaires des aménagements d’accessibilité, représentent 1% de la population(1), soit pour une ville de 100 000 habitants, 100 personnes à se partager entre toutes les boutiques de mode, sans compter les e-boutiques… Outre l’aspect conformité, cet aménagement est donc à réaliser pour rendre la vie plus simple aux personnes souffrant d’un handicap.
(1) Source : étude dirigée par Jean-François Ravaud, directeur de recherche à l’INSERM, sur des données de 2008-2009.