EDITO Investir la France ou investir en France

Phénomène de mode ou phénomène de société, toujours est-il que le succès de la chaîne irlandaise Primark ne se dément pas, avec 4% de part de marché, pour seulement 4 magasins ouverts en France. Il est vrai qu’avec un prix de vente de 5,60 euros par article, il n’est pas difficile d’appâter le chaland. Même ZARA et H&M semblent être pris de court, c’est dire. Le prix bas tient lieu de concept et bien évidemment inutile de parler d’éthique, tant pour les conditions inhumaines de fabrication, que vis à vis des confrères : les marques de mode, comme les détaillants, qui apportent dans leur grande majorité une vraie valeur ajoutée en France.

Si ce n’est à quelques actionnaires, que peut apporter “la valeur ajoutée” d’un article à 5,60 € ? Pas de véritable salaires possibles, pas de valorisation d’un métier, ni pour “les vendeurs” relégués à plier des habits à longueur de journée et encore moins pour les ouvriers qui travaillent dans des conditions déplorables. Des miettes de TVA et d’impôts pour nos finances publiques, contributions aux caisses de retraites et à la sécurité sociale quasi nulles, le seul bénéfice pour la société semble être l’augmentation du pouvoir d’achat à court terme, car effectivement, et les consommateurs l’ont bien compris en achetant plus d’articles en moyenne chez Primark, il est possible de s’habiller à peu de frais. Mais comme souvent, le bénéfice immédiat risque de se payer cher par la suite, fermetures de boutiques concurrentes, licenciements chez les fabricants, les sous-traitants, ainsi que dans les bureaux de style : Primark copie sans gêne les collections vu dans les magazines ! C’est toute un chaine de valeur qui est menacée et par la suite, l’Etat, donc “nous, nos finances”, allons devoir revitaliser le commerce de centre-ville, aider les entreprises et soutenir les industriels avec l’argent public. Soit avec ces même impôts et taxes dont ces multinationales s’exonèrent. Un comble et ce qui vaut pour la mode avec Primark, vaut pour Amazone envers les libraires et les autres membre du GAFA* qui prennent d’importantes parts de marché en Europe, tel GOOGLE dans la publicité, sans reverser leur contribution normale à la marche de nos sociétés : l’impôt. On investit un pays, on casse les concurrents, on fait de l’argent et on rapatrie le tout dans un paradis fiscal. Paradis pour certains et enfer pour les autres. Les ouvriers/esclaves qui travaillent pour tout juste subsister, les dirigeants d’entreprises et salariés confrontés à de graves problèmes sociaux, les commerçants condamnés à fermer boutique. Ils ne s’agit pas de diaboliser la mondialisation qui est, ne l’oublions pas, un véritable atout pour la France dans la filière mode, comme dans beaucoup de secteurs : aviation, gastronomie, agriculture…  Il est question simplement de restaurer des conditions de concurrence loyale et d’empêcher les “optimisations fiscales et sociales” qui se transforment en dumping. Les entreprises qui investissent dans un pays et apportent ainsi leurs contributions à la collectivité ne doivent pas être ainsi fragilisées et le commerce équitable doit être la règle. Tant pour les producteurs, les industriels, les artisans et créateurs français ou étrangers, que pour les commerçants qui participent eux aussi à la création de richesse d’un pays.

Quand l’investissement humain se heurte au fonds d’investissement qui profitent de failles juridiques pour – arrêtons de dire optimiser, disons clairement les choses – pour tricher, l’engagement des ouvriers, cadres, industriels et commerçants ne suffit plus. Les règles du jeu doivent être rétablies et les politiques et commissaires Européens seraient bien inspirés eux aussi de s’investir à leur tour.

*GAFA est l’acronyme désignant les grandes puissances de l’internet : Google, Apple, Facebook et Amazon.