« Les Français ont toujours envie de consommer de la mode »
Entretien avec Gildas Minvielle, directeur de l’Observatoire économique à l’Institut Français de la Mode.
Les premiers mois de cette année 2021 ont été difficiles pour les détaillants de la mode. Quel premier bilan chiffré faites-vous aujourd’hui à l’IFM ?
Je pense que notre constat est le même que celui que les commerçants peuvent faire quotidiennement dans leur boutique. Les temps sont rudes, sur les deux premiers mois de l’année, nous avons enregistré un recul d’en moyenne 12,8% dans l’habillement. Tous les secteurs ne sont néanmoins pas impactés de la même manière. Les grands magasins (-30,9%) et les détaillants multimarques ( -21,6%) sont aujourd’hui ceux qui enregistrent la plus forte baisse d’activité. A l’inverse, les chaines de grande diffusion (Kiabi, Gémo, La Halle…) ont bien résisté, et affichent même une hausse d’activité de 2,6%. Des chiffres qui montrent qu’en ces temps de crise, les petits prix sont davantage plébiscités par les consommateurs. Autre tendance qui se confirme également, l’appétence pour les achats à distance. Par rapport à la même période l’an passée, les ventes en ligne ont bondi de 32,5% sur l’ensemble textile et habillement ! Pour donner une idée du poids du e-commerce actuellement en France, disons qu’un peu plus d’un achat sur cinq dans le secteur de la mode se fait désormais en ligne.
Justement, cette tendance vers toujours plus de e-commerce va-t-elle continuer à s’accentuer, ou assistera-t-on à un rééquilibrage une fois la situation sanitaire rétablie à la “normale” ?
Difficile de répondre à cette question, tant les dernières semaines ont montré qu’il faut faire preuve d’une grande prudence quant aux prédictions sur l’avenir. La seule chose sur laquelle je suis tout de même convaincu, c’est que les Français ont toujours envie d’acheter de la mode. Le recul de la consommation que l’on observe aujourd’hui est le résultat d’une situation que l’on impose à la population. Si l’on se réfère à ce que l’on a pu observer l’an passé au moment des déconfinements, on a tout de même des raisons d’afficher un certain optimisme. L’été dernier a été particulièrement dynamique pour les commerces de mode (+1% en juillet, et +7,2% en août). Même chose à la sortie du second confinement, au mois de décembre, où les ventes ont bondi à +14,8% !
Dans ce contexte, comment se projeter pour les détaillants, alors même que nombre d’entre eux se retrouvent aujourd’hui avec d’importants problèmes de surstocks, et de facto sont réticents à faire de nouvelles commandes ?
Cette problématique est en effet cruciale dans le secteur. Au vu du contexte actuel, il est essentiel de savoir faire preuve d’agilité. La multiplication des retards de livraison avec les pays producteurs en Asie, et notamment la Chine, fut l’un des gros problèmes de l’année 2020. Désormais, et notamment pour les multimarques, je pense qu’il est plus judicieux de jouer la proximité à tout prix, ne pas s’approvisionner très loin. Tout cela va dans le sens d’un rapprochement avec les fournisseurs, et renforce le made in France, le made in Europe ou même le made in Maghreb.
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Pour conclure, revenons sur l’IFM, quel service pouvez-vous apporter aux acteurs de la mode ?
Nous avons plusieurs missions, et notamment celle de former aux métiers de la mode de demain. Pour les détaillants, nous leur permettons d’accéder chaque mois aux chiffres clés de leur secteur, aux tendances de consommation en fonction des différents segments, aux évolution des comportements d’achats des consommateurs… Pour pouvoir accéder à cette publication, nous leur demandons juste en échange de participer à notre IFM panel. Concrètement, tous les mois ils nous communiquent leur chiffre d’affaires, et cela nous permet ainsi de pouvoir produire des données globales sur le secteur de la mode, que nous leur transmettons par la suite. C’est un échange gagnant / gagnant, et bien entendu les données que les commerçants nous transmettent restent confidentielles, seules les chiffres consolidés sont publiés.
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