Ouvrir un point de vente éphémère

Pour augmenter leur chiffre d’affaires, ou simplement maintenir leur activité, les détaillants peuvent organiser des ventes hors de leur boutique. On pense souvent aux pop-up stores, mais il existe de nombreuses formules de points de ventes éphémères pour aller conquérir une nouvelle clientèle.

« Si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère ira à toi… » Certains commerçants se sont inspirés de cette célèbre réplique pour aller directement vers le client. C’est le cas d’Hélène, la gérante de Dodues in Love à Béziers : « Il ne faut pas attendre derrière son comptoir les bras croisés. » Mais dans un contexte économique morose, avec une concurrence accrue des boutiques en ligne, que faire ? Créer un site d’e-commerce, augmenter son budget publicitaire, organiser des événements en boutique ? Ces solutions ne manquent pas d’intérêt, mais Hélène a préféré « sortir de son antre » : elle a ouvert un point de vente éphémère dans une ville voisine. L’idée générale est toute simple: aller au-devant de nouveaux clients potentiels, tout en continuant à vendre. Un mix entre l’ouverture d’une seconde boutique, qui n’apportera pas de clientèle à la première, et l’opération de communication événementielle, qui ne génère pas de chiffre d’affaires. 

La logistique

Isabelle Ritzenthaler, d’Ezabel fitnesswear, ne participe au salon Body fitness à Paris. « Ça offre une notoriété nationale et je rencontre chaque année de nouveaux clients potentiels » Pour vendre en dehors de sa boutique, il existe de nombreuses formules. Certaines ne requièrent qu’un faible budget. En effet, les produits proposés sont empruntés au stock de la boutique principale. « Je picore, explique Hélène, et si une cliente me demande un article que je n’ai pas, je l’apporte le lendemain.» Parfois, des marques peuvent être associées à l’opération, à des conditions intéressantes : « elles sont partantes pour nous faire des soumissions, sans qu’on achète en ferme », relève Sophie Baron, des boutiques Pom à Marseille. Pour l’agencement du point de vente, quelques portants et présentoirs suffisent souvent. « Nous avons un turnover pour notre matériel, il suffit de piocher en réserve », indique Sophie Baron. Le coût des TPE pour des périodes courtes rebute certains détaillants. « La banque me demandait 250€ par mois, s’offusque Hélène. Je ne l’ai pas pris, mais avec les chèques et le distributeur automatique tout proche, ça ne m’a jamais fait rater une vente ! » Il faut également voir du côté des solutions de paiement via les téléphones portables. En ce qui concerne la location de l’espace de vente, les situations sont plus diverses. Dans les maisons de retraite (comme avec les comités d’entreprise), aucune redevance n’est perçue. Le problème, c’est d’y être accepté… À l’opposé, la participation à un salon coûte cher, proportionnellement à la durée de la manifestation. Mais c’est normalement la garantie d’avoir un flux de chalands important et qualifié. La principale difficulté pour vendre hors de sa boutique, c’est que ces opérations réclament un investissement personnel important du détaillant. « L’organisation d’un défilé peut être confiée à des stagiaires, des jeunes en alternance, note Sophie Baron. La vente, non.» Pour participer au salon Body fitness, Isabelle Ritzenthaler, d’E-zabel fitnesswear à Mulhouse, s’absente trois jours ouvrables et demi. « Impossible de fermer mon magasin aussi longtemps. Je prends une intérimaire, mais le résultat n’est bien sûr pas le même… » Lorsqu’Hélène tient son point de vente éphémère, le matin, sa boutique principale est fermée. « Je n’ai pas observé de baisse de CA. Mais j’ai préparé mes clientes, balisé le magasin, le site web et Facebook. Je suis également sur un marché de niche, la mode grande taille.» Les détaillants qui peuvent s’appuyer sur du personnel en boutique n’en sont pas moins mobilisés. « La Foire de printemps de Mulhouse, c’est 10 à 12 heures d’ouverture quotidienne, sur 10 jours, plus le montage et le démontage du stand. On termine sur les rotules », raconte Francis Kauffer, le gérant du Ressemelage Parisien.

Les embûches

Deux années de suite, Christophe Pats-Nougues a organisé un minisalon consacré au triathlon sur le parking de son magasin Traid de Mérignac. Résultat : un CA en hausse de 50 à 100% pour les rayons concernés et des nouveaux clients ramenés par le buzz.  Les détaillants qui souhaitent vendre en dehors de leur boutique doivent s’accorder un droit à l’erreur. « La première année, sur la foire, on a vu, on a appris, on n’a pas fait de miracle », témoigne Francis Kauffer. « Pour savoir quelles sont les manifestations sportives intéressantes, il faut les tester, indique Christophe Pats-Nougues, de Traid à Bordeaux. Ensuite, on peut éviter les endroits où on ne vendra qu’une paire de chaussettes…» Même avec de l’expérience, un accident est toujours possible. Marc, le gérant d’une boutique de sacs et de bijoux dans le XIVe arrondissement parisien, en sait quelque chose. Habitué aux stands, il a loué en juin dernier un chalet sur un grand boulevard pour un mois. Investissement : 10000€. Mais les premiers jours sont catastrophiques et il envisage de baisser le rideau. Par chance, l’organisateur est parvenu à relouer le chalet à un autre commerçant. Marc n’a finalement perdu qu’une semaine de location. Sortir de sa boutique ne doit pas être non plus une fuite en avant. Comme l’explique Thierry Bayle, fondateur du cabinet Global Fashion Management, « avant d’aller chercher une solution à l’extérieur, il faut être sûr que son magasin est géré au mieux. Est-il possible d’améliorer les choses en interne, pour ses achats, ses techniques de vente, son merchandising ? » 

Les résultats

Depuis 25 ans, Francis Kauffer participe à la Foire de printemps de Mulhouse. « Avec 370 exposants et 90000 visiteurs en dix jours, c’est un événement économique ! »Sur son stand de 60m², il vend 35 à 40 paires par jour. Un quart du CA d’Isabelle Ritzenthaler est généré à l’extérieur de sa boutique. Francis Kauffer gère huit magasins mais, pendant les foires, c’est son stand qui réalise les meilleures performances. Les ventes sont donc au rendez-vous mais, compte tenu de l’investissement humain et financier, qu’en est-il de la rentabilité ? « Cette année, pour le salon Body fitness, je suis en léger déficit, indique Isabelle Ritzenthaler. Mais pas question de renoncer à ma participation: c’est aussi mon investissement publicitaire national.» Christophe Pats-Nougues ne dit pas autre chose : « je ne fais plus de publicité dans la presse aujourd’hui : je mise sur l’événementiel. » Avec ce type d’opération, il faut donc dépasser la logique comptable. « Certains détaillants ont fait tellement de statistiques qu’à la fin, ils ont oublié qu’il y avait des clients. Ils ont arrêté la foire : certains sont morts… constate Francis Kauffer. Il faut être persévérants: j’ai des clients en boutique qui me disent ‘‘je vous ai vu sur la foire, il y a deux-trois mois…’’» Vendre hors de sa boutique présente enfin un autre avantage: renouveler l’intérêt des détaillants pour leur activité. «Voilà dix ans que je fais la même chose… Ça me change d’air ! », lance Hélène. Spécialisé dans le running, Christophe Pats-Nougues « aime aller sur les courses. Je vois mes clients différemment, c’est plus convivial


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