Présenter mieux pour vendre plus

Pour améliorer leur outil de vente, les détaillants peuvent refaire le design de leur boutique. Mais à l’architecte, ils préfèrent souvent le merchandiser visuel, capable pour un budget bien inférieur de valoriser les articles et de dynamiser les ventes.

« Lorsque j’ai débuté, il y a une quinzaine d’années, les marques ne se préoccupaient pas de la présentation des produits et leur budget ‘‘déco’’ était insignifiant, se souvient la scénographe Soline d’Aboville. Depuis, elles ont compris que le merchandising visuel est un atout pour le travail des vendeurs. » Autrement dit, la mise en valeur des articles a un impact direct sur le chiffre d’affaires. « L’augmentation va de 10 à 60 %, parfois du jour au lendemain, à la faveur d’un coup de peinture », constate Béatrice Querette, CEO & creative director du Studio merchanfeeling. François Szymanski, directeur d’Up display, évoque « une marque de maroquinerie haut de gamme dont le CA a progressé de 40 % après le remplacement d’étagères basiques par du mobilier adapté au produit et l’utilisation de supports. »

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Pour obtenir de tels résultats, il n’y a pas de recette universelle. « Comme pour le design des boutiques, tout dépend du positionnement de la marque. Chez H&M, le stock est en rayon avec quelques mannequins, tandis que Colette ressemble à une galerie d’art avec de nombreux bustes en total look. Dans chaque cas, le merchandising a rationalisé la présentation en fonction de la stratégie de vente », explique Nelly Sitbon, directrice de l’agence Chasseurs d’influences. Mais il faut tout de même une marge de manœuvre qu’on ne trouvera pas chez les détaillants qui « surchargent leur magasin de produits, y compris de canards, de crainte de manquer une vente… » Pour permettre aux clients de « voir, toucher et prendre », de l’espace est nécessaire. « C’est le vide autour du produit qui va lui donner sa valeur », indique Soline d’Aboville. 

Organiser l’espace

Pour ses associations d’articles, Colette a recours à un nombre impressionnant de bustes.

À son entrée en boutique, « le client doit se trouver devant un paysage magnifique, avec un lac, une forêt et une montagne », explique avec poésie Soline d’Aboville. Le lac, « c’est une présentation de produits à l’horizontale qui indiquent l’actualité et la largeur de l’offre, en relais de la vitrine. » Sur cette table d’attaque, les informations sont hiérarchisées : on annoncera d’abord, par exemple, que « c’est l’été », avant de livrer l’interprétation de l’été par la marque. Derrière, la forêt peut prendre la forme « d’un groupe de mannequins qui donnera des idées de look. » Au-delà, on apercevra la montagne, soit « un mur et des étagères avec des articles un peu différents, qui vont exciter la curiosité. » 

Valoriser

S’il ne devait y avoir qu’un conseil à donner, pour le mobilier, ce serait de « choisir des meubles adaptés à la taille et à la quantité de produits, pour que des articles ne semblent pas perdus sur une table, par exemple », indique François Szymanski. « La tendance est au réchauffement de l’atmosphère des magasins. Aux éléments un peu carrés ont succédé des meubles en bois, de style vintage. » Les présentoirs se révèlent indispensables pour mettre en valeur les accessoires. « Les ceintures sont particulièrement maltraitées, présentées en boules dans un panier, alors qu’il existe des supports spécialisés ! » Bien sûr, il faut être cohérent : de belles pièces méritent des présentoirs de qualité. Les fabricants reviennent au marbre, à la pierre, optent pour des finitions bronze, laiton brossé plutôt qu’acier chromé. Soline d’Aboville insiste enfin sur la PLV, « importante chez les multimarques car il est nécessaire de bien identifier chaque marque. » 

Associer

A l’inverse de chez Colette, aucun mannequin chez Scotch & Soda, mais des compositions sur cintres incluant jusqu’au sac, qui présentent aussi l’avantage d’utiliser le haut des murs.

« Les clients ont du mal à se projeter, constate François Szymanski. Ils sont donc preneurs de propositions de bon goût, d’associations qui vont aussi identifier le style d’une enseigne et offrir une valeur ajoutée par rapport à internet. » Le support idéal pour ce cross merchandising, parce qu’il va donner du volume aux vêtements, de la vie, c’est le mannequin. « Au-delà de la composition d’une silhouette complète, il faut mettre en scène les détails : une doublure dans une manche, le revers d’un col, les finitions… », conseille Béatrice Querette. Et d’insister : « les mannequins doivent être beaux, sinon mieux vaut s’en passer. » Si les pièces à présenter le permettent, le choix peut aussi se porter sur des bustes, qui donnent un style « couture » à la boutique. « Jugés parfois ringards, les jambes et ‘‘bouts de corps’’ sont mieux réalisés aujourd’hui et présentent un intérêt pour les jeans, la lingerie… » Parce que les mannequins coûtent cher, sont fragiles et prennent de la place, les boutiques peuvent leur préférer des présentations sur cintres, en facing. « Mais même avec des produits pendus, on peut être inventif ! Pour donner un porté, il faut rouler les manches, les bas de pantalons, utiliser des pinces, ajouter les accessoires que l’on aurait mis sur un mannequin. » 

Éclairer

Des chiffres étonnants, Éric Matignon, président de Light in shop, peut également en citer. « Lorsqu’une célèbre marque de lingerie anglaise a refait son concept à Londres, elle a perdu 20 % de chiffre d’affaires. En accentuant seulement l’éclairage, la marque a regagné 40 % de CA ! » Premier conseil : éviter les sources de lumières brillantes au plafond, qui vont distraire les clients, et les points éblouissants sur les produits, qui attirent les regards mais suscite très vite une gêne. Pour valoriser les articles, « il faut travailler le rendu des couleurs et la quantité de lumière, afin de révéler textures et reliefs. »

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Mais en prenant garde de ne pas tout éclairer : « en alternant ombre et lumière, on peut construire un cheminement de la vitrine au fond du magasin. Le regard va rebondir d’un point chaud à un autre. » Les mannequins, par exemple, pourront recevoir deux à trois fois plus de lumière, à l’inverse des allées. 

Animer

Un impératif en boutique : lutter contre l’uniformité, donner du rythme en créant des ruptures. Pour cela, il faut varier le mobilier et les présentoirs utilisés, dans leur forme, leur hauteur, leur matière, voire leur emplacement. Même principe pour la lumière. Et, bien sûr, les produits eux-mêmes doivent tourner et les histoires racontées doivent être renouvelées. C’est au prix de ces efforts que la curiosité et l’envie des clients peuvent être entretenues.