Réseau – Robert Clergerie L’héritage à grands pas
La manufacture drômoise qui fabrique les chaussures Robert Clergerie a 120 ans. Le savoir-faire est le point fort de la marque française avec son design novateur et son luxe accessible. Dans le giron du groupe Fung depuis 2011, elle renforce son image « mode » grâce à son directeur artistique Roland Mouret et mise sur la distribution en mettant le cap sur l’international.
Son nom est lié à la ville de Romans, où Robert Clergerie fait ses débuts chez Charles Jourdan en 1970. La rencontre est décisive. La découverte du métier le passionne. Huit ans plus tard, il rachète la Société Romanaise de la Chaussure, plus connue sous le nom de ses marques masculines, J.Fenestrier et Unic. Le chausseur fabrique des « classiques » pour hommes mais pense déjà à la femme… En 1981, il fonde sa marque éponyme et ouvre dans la foulée sa boutique parisienne, rue du Cherche-Midi. Ses premiers modèles – un derby, un richelieu, une ballerine – rencontrent un succès immédiat. Robert Clergerie est visionnaire. À l’époque où la mode féminine ne jure que par le talon, le créateur bouscule les codes, ose le plat pour chausser la femme en tailleur pantalon avec de beaux souliers d’homme revisités. C’est pile l’attente du marché ! La marque impose son empreinte au côté de ses voisins romanais, Charles Jourdan et Stéphane Kélian, trois signatures alors largement diffusées dans l’hexagone. Robert Clergerie est élu Best Designer of The Year en 1987, 1990 et 1992.
« La fabrication française, le confort, le design font le succès de la marque. »
Pour nourrir son style masculin féminin, à l’élégance sobre, il s’appuie sur l’héritage et les innovations de la manufacture : le cousu Goodyear introduit en 1905 à Romans par Joseph Fénestrier, la semelle Ridgway en référence à une chaussure d’officier et surtout la semelle de bois articulée qui, avec sa charnière, assure une démarche naturelle. Robert Clergerie est attaché aux volumes structurés, blocs compensés et autres plateformes, ces alliées des « pattes d’eph » et de l’actuel revival Seventies… L’architecture et la création française font partie de son ADN. Après avoir vendu puis racheté sa marque au milieu des années 2000 dans l’espoir de la sauver, l’entrepreneur âgé de 76 ans passe la main. En 2011, le styliste français Roland Mouret, formé par le fondateur, reprend le flambeau artistique au sein du groupe chinois Fung, propriétaire d’autres marques à identité forte (Delvaux, Cerruti, Sonia Rykiel). « Roland Mouret travaille la sophistication, il apporte son savoir-faire à la marque réputée pour le masculin-féminin », précise Jacques Cariou, à la tête de la boutique Robert Clergerie à Aix-en-Provence. Eva Taub, PDG de la marque, évoque « la montée en gamme nécessaire pour la marque made in France, positionnée à l’entrée du luxe ». S’engagent divers chantiers afin d’assurer l’expansion. À Romans, la manufacture adapte ses outils de production tout en préservant sa différence artisanale. « Le rythme des collections s’est accéléré, affirme Patrick Colin, directeur de production. La découpe numérique a pris le pas, elle permet de fabriquer davantage de modèles. Mais tous les échantillons, maquettes, montages Goodyear, assemblages sont réalisés sur place. Les interventions manuelles sont très nombreuses. »
« Roland Mouret travaille la sophistication, il apporte son savoir-faire à la marque réputée pour le masculin-féminin »
Les salariés, une centaine au total, occupent sur deux étages les ateliers dédiés aux peausseries, à la fabrication du pied et de la tige. Les archives conservées depuis les origines constituent une mine d’or pour Roland Mouret et son équipe. Il a à son actif le lancement de Robert Clergerie Homme (ex-J. Fénestrier) suivi de l’ouverture d’une boutique à Paris, sans oublier la ligne Communal, composée de modèles androgynes. « Ces modèles mixtes attirent l’homme dans la boutique où j’espère référencer rapidement Robert Clergerie Homme , observe Jacques Cariou à Aix-en-Provence. La demande existe ». La rénovation des boutiques constitue une autre priorité stratégique. La vitrine historique du quartier Saint-Germain à Paris a récemment accueilli le nouveau concept. « C’est un salon élégant et industriel à la fois, où l’on se sent bien pour essayer des chaussures confortables », assure Eva Taub, qui l’a déjà déployé aux Galeries Lafayette et Printemps Haussmann, à Séoul et Londres. En ligne de mire, la distribution mondiale s’est incontestablement accélérée. De Barneys à Lane Crawford, aucun department store prestigieux ne manque à l’appel ! « Le made in France de Robert Clergerie est très prisé à l’étranger, souligne Emilio Martin, directeur général de la marque. L’objectif est d’atteindre 80% des ventes en équilibrant l’Asie, les Etats-Unis, l’Europe. » L’offensive est en cours… Roland Mouret, qui fait défiler Robert Clergerie pendant les fashion weeks de Londres, New York ou Paris, n’a pas fini de démultiplier les envies masculines et féminines…
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Robert Clergerie cibles les multimarques
Le rôle de la chaussure est devenu si important dans la mode et ses tendances qu’elle cohabite désormais en bonne intelligence avec le prêt-à-porter dans les multimarques « nouvelle génération ». « Notre clientèle a envie d’essayer les modèles en ayant la liberté de pouvoir comparer sur place avec d’autres marques, affirme Eva Taub, PDG de la marque. Les détaillants occupent une place importante en France avec une répartition égale entre chausseurs et prêt-à-porter créateur ». Plus globalement, Robert Clergerie soigne ses points de vente, monomarques compris. « La marque dispose d’une équipe wholesale dédiée, poursuit la dirigeante. Tous nos responsables de boutiques visitent la manufacture de Romans. Pour eux, c’est une découverte. Ils y sont très sensibles. Ils participent aux achats, bénéficient d’une formation détaillée sur les produits de la saison. Ils disposent aussi d’une banque d’images à envoyer aux clients qui le demandent. »
Nb de points de vente : 400 dans le monde, 50 multimarques et 15 boutiques en propre en France
Chiffre d’affaires : NC (65% à l’export)
Production : 500 paires par jour
Nb de salariés : 100 à Romans-sur-Isère