Les commerçants ouvrent-ils le dimanche ?

Un an après la loi Macron, les commerçants usent-ils de cette possibilité d’ouvrir 12 dimanches par an ? Tour d’horizons des pratiques et des ressentis des acteurs de la mode.

C’était il y a un an, après plusieurs mois de tractations parlementaires et débats entre les différents acteurs du commerce, la loi Macron était adoptée, avec pour mesure phare l’extension de l’ouverture dominicale. Pour autant, les habitudes des professionnels de la mode n’ont pas fondamentalement évolué, car si les grands magasins s’activent pour ouvrir davantage le dimanche, les indépendants émettent de leur côté plus de réserves. 

Des disparités géographiques

Mises à part les différentes zones touristiques définies par la loi Macron, les ouvertures sont limitées à 12 par an, c’est ce que l’on appelle les « dimanches du Maire ». Une politique d’exception qui crée des disparités entre communes. A Lille, Martine Aubry, qui s’était pourtant positionnée contre la loi, a étendu la possibilité d’ouverture dominicale à 8 par an, tandis que Lyon a décidé d’user de cette possibilité à son maximum, c’est-à-dire 12. Dans les villes plus « moyennes », là aussi on constate des disparités. Quand la municipalité Rémoise a décidé d’exploiter les 12 ouvertures dominicales, Nancy a choisi plutôt 9, tandis que Dijon, qui n’y recourra que 4 fois, réclame dans le même temps une Zone Touristique Internationale (ZTI).

Les indépendants sont prudents

Si les communes sont encore à la recherche de repères pour trouver la bonne formule, les commerçants aussi semblent faire preuve de retenue. Notamment dans les petites communes, qui voient dans ce dispositif une nouvelle faveur faite aux grandes enseignes de périphérie. Par exemple à Halluin, dans la métropole lilloise, les détaillants ne devraient pas ouvrir leurs portes durant les 12 dimanches fixés par la municipalité. De même à Albi, dans le sud-Ouest, peu de commerçants semblent user de leur droit à ouvrir tous les dimanches, en raison du classement en tant que « Zone touristique » de l’hyper-centre. Pour preuve, le dimanche 24 juillet, à l’occasion du dernier jour de la braderie, on recensait à peine une trentaine de commerces ouverts, trop peu pour rentabiliser l’ouverture. Le phénomène ne touche d’ailleurs pas que les petites agglomérations. A Toulouse également, il n’y avait pas foule dans les rues lors du premier dimanche des soldes. Pas de quoi inciter les commerçants à bousculer leurs habitudes, d’autant plus qu’un dimanche travaillé doit être payé double et donne le droit à un repos compensateur. 

Mais ce n’est pas la seule raison. « En tant qu’indépendant, notre personnel très qualifié n’est pas intéressé par le travail le dimanche », justifie également la gérante de la boutique troyenne Miss Elégante. « L’ouverture n’est voulue que par ceux qui ne travaillent pas le dimanche, par des salariés qui ne sont hélas pas correctement rémunérés, tributaires de contrat à mi-temps qui en font des “travailleurs pauvres”, ou encore d’étudiants qui n’ont pas d’autres choix pour payer leurs études », renchérit le gérant de la Boutik Homme, à Cahors. Face à cette situation, les indépendants semblent ainsi s’adapter en fonction de leurs moyens et du contexte de leur ville. Quand certains choisissent de rester seul en boutique ce jour, d’autres estiment utile d’ouvrir seulement lors des grandes occasions. Les dimanches de fin d’année, les braderies locales et, dans une moindre mesure, les soldes. A noter qu’une majorité ne devrait pas utiliser les 12 dimanches annuels, d’après les retours de détaillants qui ont réagi sur notre site.

Quels impacts sur la croissance et l’emploi ?

Première raison d’étendre les possibilités d’ouverture, la généralisation du travail dominical doit permettre de booster la croissance et l’emploi du secteur du commerce en France. Une certitude que ne partagent pas forcément les indépendants. « Je suis contre l’ouverture généralisée du dimanche, cela ne favorise que la grande distribution au dépend des petits commerces de centre-ville, regrette le gérant de la Boutik Homme. Les créations d’emplois que l’on fait miroiter ne sont que des temps partiels qui ne remplacement pas ceux qui sont détruits chez les petits commerçants, ni les fermetures… », poursuit-il. Une analyse pertinente au vu des chiffres existants chez nos voisins européens. Que ce soit en Grèce, en Espagne, aux Pays-Bas, en Allemagne ou même à Londres, l’effet sur l’emploi est négatif pour les plus petites structures (Lire l’article complet pour en savoir plus).  

Travailler le dimanche nuit à votre vie sociale

Mais outre le seul aspect financier, travailler le dimanche aurait surtout un effet néfaste sur votre vie sociale. « Quid des familles, de la garde des enfants pour les mamans seules, car bien sûr pas question d’ouvrir les crèches ou les haltes garderie », s’exclame ainsi justement le gérant de la Boutik Homme. Une colère qui trouve écho dans une récente étude publiée dans la revue Economie et Statistique de l’Insee, selon laquelle le travail dominical entraîne une perte de sociabilité familiale et amicale que ne peut remplacer aucun jour de repos en semaine ! Les résultats de cette enquête mettent notamment en avant le fait que le dimanche est « le jour des loisirs », propice aux moments de partage en famille et avec les amis. Sans compter le fait que les sorties du samedi soir seront le plus souvent réduite, voir proscrite.
Quand on sait les sacrifices consentis par les indépendants pour parvenir à maintenir leur activité, on comprend la réticence de certains à ouvrir leurs portes le seul jour qu’ils peuvent passer en famille. Et surtout sans aucune garantie de résultats. 


Et vous, en tant que dirigeant de marque ou détaillant du secteur de la mode, combien de dimanche comptez-vous ouvrir en 2016 ?
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