Les détaillants doivent-ils stopper leurs relations avec leurs fournisseurs qui vendent en promo sur internet ?
En proposant leurs collections à prix cassés sur internet, certaines marques se sont attirées les foudres des détaillants multimarques qui ne peuvent pas suivre cette guerre des prix. Comment réagir face à de telles pratiques ?
Le phénomène se répète quotidiennement et touche tous les secteurs de la mode. Dans le prêt-à-porter comme dans la chaussure ou l’accessoire, chaque jour, des centaines de clients viennent essayer en magasin pour commander ensuite à prix réduits sur internet. Dernier exemple en date, le 14 septembre 2016, le site de vente en ligne Place des tendances proposait une réduction de -20% sur la nouvelle collection d’American Vintage. « J’ai repéré cette promotion alors même que je venais d’envoyer une commande de réassort il y a seulement 48 heures, a tout de suite réagi Patrick Aboukrat, gérant de la boutique parisienne Abou d’Abi Bazar. Face à cette situation j’ai donc décidé de renvoyer l’état de mon stock de ce fournisseur à son service commercial et à son agent, afin de leur rappeler mes conditions d’achat qui accompagnent mes commandes. J’attends désormais un avoir de 20% sur celles-ci, afin de pouvoir les commercialiser avec une remise de 20%, sans quoi le fournisseur devra m’envoyer un transporteur dans mes 4 points de ventes pour récupérer les marchandises restantes. »
Lire aussi : Comment réagir face à une promotion d’un fournisseur ?
Face à la répétition de ces cas, Patrick Aboukrat appelle également les indépendants à réagir immédiatement dans ce genre de situation, « afin que nous imposions tous les mêmes conditions. Si les fournisseurs ne les respectent pas, ils n’auront alors plus qu’à travailler avec ces sites “pure player” qui dérèglent tout le marché. » Un message fort, pour autant, à l’heure de la vente démocratisée sur le net, cela est-il réalisable ? Certaines marques, à l’image d’Eva Kayan, ont ainsi décidé de ne pas commercialiser leurs modèles en ligne, « afin de ne pas concurrencer nos partenaires détaillants », revendique son PDG Stéphane Tchektchekian. Quand d’autres s’assurent de vendre uniquement sur leur propre plateforme aux mêmes prix des boutiques. Le débat est donc lancé : Les détaillants doivent-ils arrêter de commercialiser les marques vendues en promotion sur internet ?
Marc JOND-NECAND
16 septembre 2016 @ 17 h 41 min
Bonjour a Tous,
Je comprends le courroux de Patrick Aboukrat et comme à son habitude sa volonté de réveiller la profession est intéressante. C’est vrai que trop de fournisseurs prennent leurs clients pour des ‘gogos’ et créent par eux même une concurrence que l’on peut juger de déloyale.
Connaissant bien l’isolement des indépendants et leurs réticences trop fréquentes à collaborer ensemble, nombreux sont les fournisseurs, heureusement pas tous, qui tirent partie de cette faiblesse qui leur permet en quelque sorte de diviser pour mieux régner en calmant l’un par une petite faveur puis l’autre par un autre menu arrangement ou avantage. Au bout du compte c’est l’ensemble de la filière qui en sort malade, la confiance étant rompue.
Si plus personne ne peut ignorer la montée en puissance d’Internet et son utilité, y compris pour les détaillants indépendants, il est toujours, comme par le passé, possible aux commerçants de tirer les conclusions de la politique commerciale néfaste de tel ou tel fournisseur et de leur poser la question : ‘nous, détaillants sommes nous encore une priorité pour vous ou préférez vous vendre sur Internet ou en outlet ? Et si oui, de quelle façon ?
Pour mémoire, le dinosaure que je suis, vous rappellera le combat mené il y a 30 ans par les indépendants qui ont fait plier la plus grande marque de sous vêtements de l’époque qui voulait implanter sa marque en hyper. Plus près de nous j’ai en mémoire l’annulation des commandes des détaillants de l’Ouest de la France auprès d’un groupe leader en prêt à porter masculin qui venait d’ouvrir un Outlet aux Herbiers en Vendée, cette fois encore l’industriel a fermé le magasin en 48 heures craignant les représailles.
Il y a donc certainement des moyens de pressions et d’actions mais pour cela l’Union qui fait la force est indispensable. Un organisme professionnel comme, par exemple, une Fédération devrait en être le fer de lance à la condition que ses dirigeants aient la volonté d’AGIR au plus près de ses adhérents et de créer ce contact permanent avec l’ensemble des acteurs de la profession et du monde du commerce.
Marc NECAND
Observateur du Commerce
Patrick ABOUKRAT
16 septembre 2016 @ 17 h 39 min
Je pense qu’il faut poser la question aux fabricants sur leurs relations avec les sites pure players. Comment pensent ils trouver la solution pour continuer à travailler avec ces sites sans porter préjudice à leur image et leur relation avec les revendeurs indépendants ? Pensent ils que cette relation avec leurs revendeurs a un avenir ou donnent ils priorité aux sites qui, de toute façon, seront obligés de faire des promotions ?
Du côté des détaillants, il est évident que l’union d’action est nécessaire et dans ce cas soit les fédérations font leur travail pour être sensibles à ce vrai problème où faut il créer un nouveau Comité ?
Un débat au sein de la profession est nécessaire mais rien ne semble bouger.
Patrick ABOUKRAT
Mathieu Desaphie
16 septembre 2016 @ 17 h 37 min
Une simple piste de réflexion…
Nous voyons aujourd’hui plus clairement le mode de fonctionnement et l’arrivée des “pure players” et des “market places” à savoir donc les sites de vente en ligne qui eux même ne prennent aucun risque d’achat de stock puisqu’ils vendent le stock de marques sur leur sites, et ne payent que les produits vendus. Ce sont même les marques qui expédient les produits pour eux le plus souvent.
Sans parler des marques elles-même qui déclenchent des promotions sans cesse.
Les boutiques physiques pour survivre et continuer à se développer ont peut-être une réflexion à mener.
Tout d’abord se poser la question:
“comment faire venir les clients en boutique pour acheter des marques qu’ils peuvent facilement avoir en ligne (et bien souvent à un prix plus intéressant).”
Peut-être tout simplement en proposant à ces clients de nouvelles marques, moins accessibles:
– Des marques qui ne travaillent pas avec les gros sites de vente en ligne, plus confidentielles, moins “commerciales” (mais au final peut être justement qu’elles le sont davantage que les plus grosses), qui ont également une créativité et du “story telling” intéressant à présenter à vos clients.
– Des marques en import en allant faire des salons à l’étranger plutôt que le Who’s Next. Ces marques ne seront pas disponibles sur les sites, et vous susciterai l’intérêt de vos clients en proposant quelque chose de rare et difficile d’accès.
Surtout qu’avec l’Euro, ça peut être intéressant d’acheter une marque hors zone Euro.
– Arrêter systématiquement les marques qui ne respectent leur réseau de revendeurs en faisant des promotions à outrance sur leur propre site, en travaillant avec les market places.
C’est un vaste sujet et il est difficile d’en débattre par e-mail… En tous cas, le “combat” de Patrick est plutôt sain et un bon démarrage pour la prise de conscience collective qu’il faut changer comme notre métier change.
bonne soirée à tous
Marie VEILLON LE BERRE - DRESS CODE CONCEPT
16 septembre 2016 @ 17 h 34 min
Je pense que cela dépend si c’est fait dans le respect de certaines règles essentielles.
Le fournisseur doit prévenir ses clients et ne pas faire de promos avant les dates officielles des soldes.
De plus, le fournisseur doit accepter de vendre à son client un produit qu’il met sur son site, et ne pas le réserver aux clients Internet, et ceci avec la même marge. Exemple la veste à 250€ prix public (PA pour la boutique 100€ HT) est en vente en promo à 125€ en taille 36 et 40. Le fournisseur doit accepter de la vendre à la boutique qui lui demande au prix de 125€ : 2.5 soit 50€ HT + frais de port.
Stéphane Rodier
16 septembre 2016 @ 17 h 32 min
Vous avez raison de lancer ce débat.
Mais c’est même plus profond qu’il faut aller.
Nous sommes pour toutes les marques devenus des référents pour eux vis a vis des sites.
Il faut que toutes les marques homme et femme soient claires dans leurs stratégies, pur players ou détaillants ?
Ou pourquoi les marques ne se servent pas de leur réseau de distributeurs pour travailler ensemble avec internet. Click and collect ou avoir des tablettes dans nos points de vente pour proposer via les sites de nos marques les produits que l’on aurait pas en boutique….
Rien est mis en place par les marques pour travailler pour l’avenir.
L’automobile a contré les mandataires, boulanger/ Darty ce sont adaptés face à des sites à bas prix… Nous dans le textile rien !!!
On achète 8 mois à l’avance on garde des invendus de plus en plus important qui nous diminue très fortement nos trésoreries on essaie de maintenir des marges et nos fournisseurs ils font quoi ? RIEN
Nous avons un métier fabuleux mais il faut le restructurer en amont ( les fournisseurs) et en aval ( les détaillants).
Cordialement
Patrice KARLI
16 septembre 2016 @ 0 h 26 min
Ca tombe sur le bon sens que d’arrêter de se fournir chez des fournisseurs peu respectueux de leurs clients détaillants.
C’est un sujet qui me tient très à cœur, que je suis attentivement car il détermine en grande partie mon choix des fournisseurs. Au-delà de l’exemple ci-dessus qu’il me parait évident de fuir (ça n’est d’ailleurs pas notre marché) , il est d’autres pratiques de fournisseurs qui doivent retenir notre attention.
Aujourd’hui la quasi totalité de nos fournisseurs sont présents sur internet, ce qui ne me gêne pas si c’est dans le but de vendre le stock disponible après livraison des fournisseurs. En effet nous apprécions de pouvoir faire du réassort mais le créateur lui aussi a le même soucis de gestion du stock et j’appelle cela une saine concurrence.
Je ne sais pas si on peut citer des marques mais je suis entrain de me fâcher avec une marque dont je me suis aperçu qu’elle veut manger dans toutes les assiettes, celles des consommateurs et la nôtre. En effet elle fait de la vente sur internet une activité principale en ayant 2 stocks, celui du site en nom propre naturellement bien fourni et suivi, d’un autre côté un stock détaillants peu fourni, à voir si ce ne sont pas les mauvaises ventes de leur site. Là je vois rouge car histoire vécue, je n’ai pas la taille pour une cliente, elle est disponible sur leur site mais pas dans le stock détaillants, je fais quoi! je l’invite à le commander sur le site? Suis-je crédible vis-à-vis de ma cliente? Je me refuse d’être la vitrine de la marque, voir sa cabine d’essayage.
Donc oui j’invite tous les détaillants à être vigilants face aux fournisseurs peux scrupuleux du choix de leur réseau de distribution ou aux pratiques douteuses.
J’ai beaucoup plus d’estime pour ces marques comme cinq six mouches, qui se sont retrouvés en difficulté et ont eu le courage de cesser de vendre aux détaillants en tournant exclusivement vers le consommateur en baissant un peu le prix