Mode éco-responsable, vers un nouveau modèle économique

Le sujet de la mode éco-responsable est sur toutes les lèvres. Mais comment allier ces valeurs avec un business florissant ? Se pose la question du sourcing des matières, de la fabrication, de l’impact de cette industrie très polluante. De nombreux acteurs sont sur le chemin.

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Loom, de beaux basiques conçus avec la communauté de cette marque française qui prône le «Moins mais Mieux» sans compromis.

La mode qui aliène, qui pollue, qui exploite… les enjeux sociaux et environnementaux sont considérables, d’où l’essor depuis quelques années de la mode éco-responsable. « Depuis les années 90 et l’arrivée de la fast-fashion, on achète plus et moins cher des vêtements de moindre qualité », souligne la sociologue Majdouline Sbai. « Alors que s’habiller est un acte de culture, une quête de sublimation de soi. Nous achetons quatre fois plus de vêtements qu’en 1980, avec, en 2018, plus de 140 millions de pièces produites. » Soit 700 000 tonnes de textile, linge de maison et chaussures mises sur le marché chaque année, dont 1/3 seulement serait recyclé, selon l’ADEME. Résultat ? Les placards débordent alors que l’on ne porterait qu’un tiers de son vestiaire. Sans parler des dégâts sur l’environnement et sur l’humain, occasionnés par la culture du coton et l’industrie des teintures et du cuir en Asie. Impossible aujourd’hui de se voiler la face. Les consommateur-trices sont alertés par les ONG qui déploient leurs campagnes tels Greenpeace avec DETOX sur la pollution des eaux, Fashion Revolution, née après l’effondrement de l’usine Rana Plaza en 2013 au Bangladesh (1300 morts, 2 500 blessés) qui compte aujourd’hui des représentants dans 96 pays.

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Alors que le gouvernement français propose une loi interdisant aux marques de brûler leurs invendus et que plusieurs marques de luxe viennent d’abandonner l’usage de la fourrure, de nombreuses marques travaillent déjà depuis longtemps sur la mode éco-responsable, avec succès, comme les sneakers bio Veja (5 millions de paires vendues sans publicité), en fabriquant en France, comme Le Slip Français, Le Gaulois Jeans et Spl!ce, ou encore LOOM qui mise sur la qualité optimum de ses vêtements/accessoires pour « acheter moins mais mieux », décrypte sa cofondatrice Julia Faure.

Il est temps d’agir

Toutes ces marques étaient présentes en mai dernier aux Fashion Green Days, rendez-vous désormais incontournable de la mode circulaire à Roubaix. Cette deuxième session, pilotée par Majdouline Sbai et Annick Jehanne, proposait à toute la profession une réflexion autour de l’action. L’occasion pour les groupes de mettre en lumière les nouveaux modèles économiques pour la mode, comme la location, déjà présente en France avec Panoply – l’économie de la fonctionnalité prônant l’usage plutôt que la possession, à l’instar d’Airbnb ou Netflix – et qui arrive aujourd’hui dans le domaine du sac (Louvreuse) ou de la chaussure. Depuis un an, Bocage a lancé son offre « l’Atelier Bocage » déployée dans 350 boutiques. Pour 29 € par mois, les clientes peuvent louer pour 2 mois, puis renvoyer leurs paires qui seront ensuite remises en état avec des exigences d’hygiène strictes, avant de retourner sur une plate-forme de seconde main. En croissance régulière (+20 % par an), ce marché de la location génère déjà plus de 1 milliards de dollars en 2018 et devrait atteindre 2,5 milliards en 2023.

Comment les détaillants dénichent-ils cette offre de mode éco-reponsable ?

Le salon Maison et Objet a proposé pour la deuxième fois un parcours dédié à la mode éco-responsable intitulé Sustainable Route, avec du mobilier, des collections de linge de maison en lin et de la mode bio pour adulte ou enfant. De son côté, le salon Who’s Next a rencontré un franc succès avec son nouvel événement IMPACTxWSN, né d’une prise de conscience individuelle et collective au cœur des équipes. « Quand on veut regarder le futur, il faut prendre en compte les valeurs qui s’installent et qui animent notre future génération de consommateurs : le green, l’éco-responsabilité », déclare Sylvie Pourrat, directrice du salon Première Classe. Un enjeu stratégique, une mutation soutenue par Frédéric Maus, codirecteur général du Who’s Next, et 18 personnes au sein de l’entreprise. « Nous ne sommes pas militants, mais nous sommes une plate-forme importante avec une audience, le dernier step avant le consommateur final, qui, lui, drive le marché » , poursuit Sylvie Pourrat. Présenté comme un espace B2B/B2C pluggé au Who’s Next, ouvert au public comme un festival, avec beaucoup d’ateliers et de table-rondes en extérieur, IMPACT offrait aux détaillants un large choix de marques engagées, mais aussi et surtout stylées, tout en permettant aux professionnels de mieux appréhender le vocabulaire de cette nouvelle Fashion génération.

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1083 lance son jean Linfini dans une optique 100 % circulaire. Une consigne de 20 € sera retenue sur chaque paire et rendue lors du retour de la pièce.

Un des grands enjeux, c’est aussi l’appli WSN COMMUNITY, présente depuis 4 sessions pour mettre en lien les participants au salon, un « outil rassembleur de toutes les expertises ». Emilie Tarac, la nouvelle directrice de l’offre, renchérit : « De la fabrication à la distribution, tout se fait ensemble ! » Avec 4 thématiques : Old is the New Black (upcycling), Slow is Beautiful (local, minimaliste), Made By (valeurs sociales, droits de l’homme) et The Future is Now (Fashion Tech), IMPACT se plaçait ainsi au coeur des nouvelles pratiques. L’occasion de découvrir Natural Cotton Color, Flavia Aranha, Suki Paris, Ethiopian Leather, Chaussettes Orphelines, Grand Step Shoes parmi les marques exposantes. Et de retrouver également le collectif Paris Night Market, le réseau Fashion Green Days et la plateforme Sloweare qui recense et certifie des collections clean et désirables, comme le PAP d’Aatise, la lingerie bio d’Olly, les chemises en lin européen d’Histon Project. Parce que l’on parle de mode avant tout !