Projet de loi commerce et TPE, l’interview de Sylvia Pinel

L’heure du bilan à sonné pour le gouvernement Ayrault et les commerçants, comme les marques de mode, ne retiendront peut être qu’une mesure phare : la suppression des soldes flottants. Cependant, outre le CICE dont l’impact devrait être particulièrement positif pour les commerçants et le pacte de responsabilité à venir, le projet de loi relatif au commerce et à l’artisanat annonce d’autres changements. Mme Sylvia Pinel, (ex ?) Ministre du commerce, détaille pour Boutique2Mode, les points importants du texte qui a d’ores et déjà été voté au parlement.

Votre projet de loi devrait se traduire par un lissage des loyers, mais comment redynamiser certains centres-villes ?

Le phénomène de standardisation, voire de désertification commerciale des centres-villes est de plus en plus fréquent. Il s’explique notamment par une augmentation forte des loyers commerciaux alors même que l’activité commerciale décroît du fait de la baisse du pouvoir d’achat, et par la concurrence des commerces de périphérie quand leur implantation a mal été appréhendée, malgré les efforts des mairies pour animer les villes.
Le texte de loi que j’ai présenté et qui a été adopté à l’Assemblée en février dernier, renforce l’efficacité des outils dont disposent les élus pour remédier à ces phénomènes, redynamiser les centres-villes et assurer la diversité des commerces dans les territoires. Il contient de nombreuses mesures permettant de maîtriser les hausses de loyers commerciaux, mais aussi de faciliter la préemption des fonds de commerce par les mairies, pour préserver la diversité de l’offre, de moderniser l’urbanisme commercial ou encore de rénover le FISAC.
Nous proposons par exemple d’expérimenter le « contrat de revitalisation commerciale », véritable boîte à outils à la disposition des élus, pour redynamiser et moderniser le commerce dans des zones touchées par la désertification, la spécialisation ou la dégradation de l’offre commerciale. Ce contrat doit permettre de favoriser la diversité et de développer les activités dans ces périmètres. Il s’agit aussi d’assurer un équilibre entre les commerces de centre-ville et les grands projets de périphérie, en améliorant les mécanismes de régulation de l’urbanisme commercial pour rendre ces procédures plus simples, plus efficaces, plus transparentes. Des mesures spécifiques ont été prévues par exemple pour réguler les très grands projets comme les villages de marques, dont l’impact dépasse souvent l’échelle du département. Ce nouveau cadre législatif sera présenté en avril au Sénat et sa promulgation pourrait donc intervenir avant l’été.
Au-delà de ces mesures législatives, j’ai souhaité promouvoir des actions d’accompagnement fortes dans le plan d’actions pour le commerce que j’ai présenté en juin dernier. Il s’agît notamment d’encourager la transmission d’entreprise par une meilleure information et un meilleur financement de cette étape importante, ou encore le regroupement de commerçants et d’associations commerciales qui réalisent des actions d’animation pour redonner de l’attractivité aux centres-villes.

La liste des charges transférables par le propriétaire aux locataires est source de nombreux abus, un décret est-il prévu à ce sujet ?

Le texte de loi que j’ai présenté prévoit de rénover le régime des baux commerciaux qui date de plus de 60 ans.
Outre les mesures sur les loyers eux-mêmes, il est apparu nécessaire de légiférer sur le sujet des charges locatives, qui, en dehors de tout cadre, pouvaient effectivement donner lieu à des contentieux. De nombreuses mesures du projet de loi visent donc à équilibrer et à rendre plus transparentes les relations entre les commerçants locataires et les bailleurs. Nous rendons obligatoire un état des lieux lors de la prise de possession d’un local, ainsi qu’un inventaire précis des charges locatives, en clarifiant la répartition entre le bailleur et le commerçant. Cela permettra de donner au commerçant une visibilité sur les charges à régler, d’éviter les abus et de limiter les contentieux entre les locataires et les propriétaires.
C’est cette vision équilibrée que je porte et je me réjouis que la majorité des professionnels y adhèrent.

Les soldes flottants seront-ils supprimés ou simplement accolés aux soldes saisonnières ?

Le rendez-vous des soldes est très important pour les commerçants et les consommateurs.
En ce qui concerne les soldes flottants, un travail de concertation approfondi a été nécessaire. Le gouvernement précédent avait en effet commandé deux rapports, à deux ans d’intervalle, pour connaître les effets de cette mesure, rapports qui se sont finalement contredits dans leurs conclusions. C’est pourquoi j’ai souhaité prendre le temps de l’analyse, en engageant un travail interministériel.
C’est dans ce contexte, déjà complexe, qu’est intervenue la sanction de la loi belge sur les soldes et la revente à perte par la Cour de Justice de l’Union européenne. Le Gouvernement a expertisé les impacts possibles de cette décision afin d’anticiper un éventuel contentieux. Engager la libéralisation de la revente à perte, comme la Cour de Justice l’a demandé à la Belgique, n’a pas été notre choix car cela aurait défavorisé les commerçants les plus fragiles.
Aussi, à ce stade, nous avons choisi de maintenir le cadre juridique existant autour de dates fixes, connues de tous. La suppression des soldes flottants s’est inscrite dans ce cadre et a été votée à l’unanimité par les parlementaires, qui ont également souhaité accoler deux semaines de soldes supplémentaires aux soldes saisonnières.
On ne peut donc plus parler de soldes flottants. La période des soldes devrait passer de 5 à 6 semaines, à dates fixes, mettant tous les acteurs sur un pied d’égalité. Cette mesure devrait être confirmée par le vote du Sénat, qui aura lieu en avril.
Je crois que nous répondons, avec ce dispositif, aux demandes des acteurs et aux évolutions de notre société.