Réforme des étiquettes : Pour ou contre ?

Alors que les scandales sur les conditions de travail au sein des usines textiles se multiplient, rien ne semble véritablement mis en oeuvre pour faire bouger les lignes. Et si la solution se trouvait dans l’étiquette ?

Made in Cambodge, China, Bangladesh… et même désormais Turquie, les principaux pays confectionneurs de l’industrie de la mode ont tour été épinglés pour les conditions de travail déplorables au sein de leurs usines. A cela s’ajoute les récentes révélations par le magazine Cash Investigation sur le travail forcé, parfois même d’enfants, en Ouzbékistan lors de la récolte du coton. Autant dire que la filière mode a aujourd’hui beaucoup de peine à renvoyer une image éthique ! Une situation d’autant plus dommageable que les consommateurs sont de plus en plus nombreux à se montrer soucieux de l’impact social et environnemental de leurs achats.  

Une nécessaire réforme de l’étiquetage

Dans ce contexte, et alors que le problème des conditions de travail chez les fournisseurs des grandes chaines internationales est bien connu depuis de nombreuses années, la question qui se pose est : comment réformer ce système ? De nombreux professionnels de la mode ont fait le choix dernièrement du made in France, un choix à la fois qualificatif et éthique. À cela s’ajoute une multitude d’initiatives privées et publiques pour la création de labels mettant en avant tantôt l’origine de la confection, l’impact environnemental, ou encore la part revenant au producteur.

S’inspirer de l’étiquette énergie ?

Pour autant, face à cette multitude de labels et certifications existantes, il est très difficile pour le consommateur de pouvoir mesurer et comparer l’impact réel et les engagements effectifs de chaque entreprise. En réponse à cette problématique, Thomas Huriez, fondateur des marques 100 % made in France 1083 et Le Tricolore, ainsi que du site de vente en ligne Modetic, propose un « Labeletic » inspiré de l’étiquette énergie (voir ci-dessus). « Son impact visuel est fort et sa compréhension simple, explique Thomas Huriez. Chaque critère est validé par les labels existants ou à défaut par les explications des marques. Cette méthodologie abien sûr vocation à être débattue et améliorée », poursuit-il.

Mettre les grandes enseignes face à leurs responsabilités

La force de l’étiquetage proposé par Thomas Huriez repose dans sa facilité de compréhension par le plus grand nombre. Reste désormais à définir avec l’ensemble de la profession les critères d’attributions de points. Si dans le cas du « Labeletic » l’accent est davantage mis sur l’aspect écologique, rien n’empêche de pouvoir reprendre le concept en intégrant d’autres variables, comme le travail de conception/patronage en amont, à répartir selon la valeur ajoutée respectivement apportée dans tel ou tel pays, sans oublier le lieu d’imposition des bénéfices… Car au-delà même de récompenser les marques « les plus éthiques », l’idée est aussi de confondre les duperies de certaines grandes enseignes internationales : des stylistes en interne qui copient les créations des grandes marques, des ouvriers exploités, des vendeurs qui ne vendent pas, des impôts payés dans un paradis fiscal, pour au final… des produits de mauvaise qualité ! Des pratiques qui nuisent à toute la filière. Car dans l’esprit de nombreux consommateurs, délocalisation rime désormais avec exploitation.

« Enfants exploités, environnement pollué, paradis fiscal… Des pratiques qui nuisent à toute la filière »

Une législation plus sévère sur l’étiquetage des produits rééquilibrerait ainsi les forces entre les différents acteurs du secteur, et pourrait même amener les multinationales à repenser leur système d’approvisionnement. D’autant plus que le marché existe. Toutes les récentes études de consommation montrent un intérêt croissant du consommateur pour des articles de mode éco/responsables. Combien de temps faudra-t-il attendre une réforme ? Ou plus directement, combien de personnes seront exploitées avant que le monde se mobilise ?