Shein, Temu, … « Des sanctions immédiates et plus lourdes » demandées par les industriels européens.
« Accélérez les enquêtes en cours et adoptez les sanctions les plus lourdes ! » À l’occasion du salon Première Vision, ce mardi 16 septembre à Paris, les principales fédérations européennes du textile et de l’habillement ont publié une déclaration commune appelant l’Union européenne à agir d’urgence contre l’essor fulgurant des plateformes de mode ultra-rapide telles que Shein, Temu ou encore Alibaba. Ces dernières, en profitant d’un cadre douanier avantageux et d’une absence de contrôles suffisants, bouleversent les règles du jeu du marché européen.

Derrière cet appel à l’action, une préoccupation majeure : la survie d’un secteur qui emploie plus de 1,3 million de personnes en Europe, regroupe près de 200 000 entreprises et génère 170 milliards d’euros de chiffre d’affaires. « L’ultra-fast fashion représente désormais 5 % du marché », alerte Pierre-François Le Louët, coprésident de l’Union française des industries de la mode et de l’habillement (UFIMH). « Tout l’écosystème du textile européen est menacé ».
Une explosion des flux de colis chinois
Depuis 2024, la quantité de petits colis entrant quotidiennement dans l’UE a doublé par rapport à 2023, atteignant 12 millions par jour. En 2025, cette déferlante ne montre aucun signe de ralentissement, avec une nouvelle hausse de 20 % enregistrée depuis janvier ! Selon le commissaire européen au commerce, Maros Sefcovic, 96 % de ces envois proviennent de Chine. Et comme redouté, l’essor de ces envois est aussi alimenté par les mesures répressives prises par les États-Unis . Washington a supprimé depuis le 29 août l’exonération de droits de douane pour les colis d’une valeur inférieure à 800 dollars, poussant certaines plateformes à dévier leurs flux vers l’Europe.
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Pression des industriels pour des mesures fortes
Face à cette situation, les fédérations exigent que l’UE mette fin sans attendre à l’exonération de TVA et de droits de douane pour les colis de moins de 150 euros. Une réforme est d’ores et déjà sur la table à Bruxelles, prévoyant un renforcement des contrôles douaniers et la suppression de cette franchise d’ici 2028, mais la profession demande à ce que l’échéance soit avancée à 2026. Elle propose également d’instaurer une taxe forfaitaire sur chaque colis de deux euros, un montant jugé ridicule par Mario Jorge Machado, président d’Euratex la fédération européenne du textile : « Il faut taxer chaque colis à hauteur de 20 euros », revendique-t-il.
Un modèle remis en cause pour ses pratiques
Cette offensive vise aussi à enrayer des pratiques jugées illicites. Les plateformes concernées sont régulièrement pointées du doigt pour fraude à la TVA, non-respect des droits de propriété intellectuelle et allégations commerciales trompeuses. Des pratiques dénoncées notamment par la Confédération des commerçants de France (CDF) qui demande de blocage pur et simple de ces plateformes et récemment sanctionnées par une lourde amende infligée à Shein pour pratiques commerciales trompeuses.
La Commission européenne se veut à l’écoute. Elle a appelé les Vingt-Sept pays de l’UE à adopter rapidement la réforme de l’union douanière présentée en 2023, et envisage de renforcer le cadre législatif afin d’imposer aux plateformes les mêmes obligations que les acteurs européens. L’enjeu est clair : mettre fin à une concurrence déloyale qui mine la viabilité du marché unique et fragilise les entreprises un peu plus respectueuses des normes sociales et environnementales.
Pour les professionnels du secteur, l’urgence est double : se faire entendre dans le débat européen et valoriser, auprès du consommateur, une offre fondée sur la qualité, la durabilité et la transparence. Car si l’Europe tarde à agir, ce sont bien les commerçants locaux qui risquent d’en payer le prix. D’ores et déjà, Shein tente de brouiller les cartes en se présentant comme un acteur « intégré » dans le paysage français en nouant des partenariats avec de jeunes créateurs, ainsi qu’avec la marque Pimkie dont les modèles sont annoncés d’ici la fin de l’année sur la plateforme chinoise. Des actions qui visent à se draper d’une couleur locale à bon compte, tout comme lorsque Temu pare son entrepôt d’un « drapeau français pour stocker en France des chinoiseries à deux balles ! » comme le dénonce sur X Olivier Dauvers. Une stratégie de francisation jugée opportuniste par les professionnels, qui y voient une nouvelle tentative de légitimation à moindre coût.