Multimarques indépendants, 5 règles pour survivre et progresser

Des promotions trop récurrentes, des soldes trop tôt dans la saison, des loyers trop élevés, des charges trop importantes… et le métier de détaillant qui devient parfois trop difficile ! S’il y a des variables sur lesquelles l’indépendant ne peut agir dans l’immédiat, il est possible de se concentrer sur ce qui est à mettre en œuvre au quotidien pour augmenter le trafic et la rentabilité du magasin. Le tout en 5 étapes.

En 2017 comme lors des 9 années précédentes, le chiffre d’affaires du secteur de l’habillement devrait continuer à baisser, pourtant l’offre n’a jamais été aussi abondante. « Le marché de l’équipement de la personne est devenu très exigeant, il suffit de se balader en ville pour s’apercevoir de la sophistication des grandes enseignes qui proposent non seulement des produits très tendances, mais également une expérience client réfléchie avec des vitrines et un marchandising très soigné. A nous aussi d’être au top niveau sur ces problématiques », explique Hervé Huchet, détaillant à Deauville et administrateur chez Eurovet. Plus facile à dire qu’à faire, surtout lorsque l’on est seul au commande avec un budget limité. Pourtant des solutions à moindre coûts existent et ne demandent qu’à être mises en œuvre. 

1) Revenir aux essentiels

Le détaillant doit revenir aux fondements de son métier, et cela passe par soigner l’accueil et l’apparence du magasin. « La profession change mais fondamentalement les bases restent les mêmes : la politesse, le sourire, l’empathie, l’attention, la reconnaissance, tout cela est très important et ne nécessite aucune dépense », confirme Annick Jehanne, consultante chez Hubmode, réseau d’expert qui proposent des formations spécifiques pour les professionnels de la mode. Cette dernière insiste également sur la nécessité de bien connaître le produit pour mieux le vendre. « Techniques de fabrication, caractéristiques des matières, manière de porter le vêtement, il faut raconter une histoire, car le client a envie de voyager à travers l’article qu’il achète. Et pour ça il faut être passionné ! » A l’intérieur de la boutique, l’expérience proposée se doit d’être différente pour susciter l’achat. « Aujourd’hui les offres et les concepts de magasins se ressemblent beaucoup et le client en a marre, c’est pour ça qu’il cherche le meilleur prix. Dès que l’on propose quelque chose d’original, il y a de la valeur ajoutée et ainsi de la marge à dégager », témoigne Marcel Valin, détaillant et ancien vice-président du club des managers de centre-ville. 

2) Communiquer

« Le vrai problème des commerçants est qu’ils ne communiquent pas assez, leur taux de notoriété est très bas. Il faut le savoir-faire mais aussi le faire-savoir », martèle Thibault Le Carpentier, gérant du cabinet de conseil Obsand. Manque de temps, de budget, de compétence, les raisons de cette carence sont multiples, mais là encore pas de fatalité. « Le commerçant indépendant a besoin d’unions commerciales pour pouvoir mieux communiquer », explique Thibault Le Carpentier. Les détaillants doivent ainsi essayer de créer une émulation pour faire connaître puis agrandir leur zone de chalandise. « Les indépendants n’ont pas les mêmes budgets que les grandes enseignes, donc ils n’ont pas d’autres choix que de mutualiser leurs moyens. C’est d’autant plus efficace qu’ils ont souvent les mêmes clients, notamment au sein des petites agglomérations ou dans les quartiers de plus grandes villes », développe-t-il. C’est avec cette volonté de regrouper les indépendants et revitaliser les centres-villes que la Confédération des Commerçants de France a récemment lancé les Coopératives de développement économique (CDE). Inspirées du modèle québécois des Sociétés de développement commercial (SDC), l’objectif de ces coopératives est de rassembler tous les entrepreneurs d’un périmètre, afin que ces derniers mettent en place, en collaboration avec la municipalité qui siège au conseil d’administration, des actions adaptées pour la revitalisation de leurs territoires. Grâce à un budget et des cotisations définies par les associés, ces derniers pourront définir des axes stratégiques comme l’emploi d’un coordinateur de centre-ville, la mise en place de plateforme internet, dans certains cas un drive de centre-ville, la formation ou encore la valorisation des entreprises. Les coopératives géreront leur ville, leur périmètre. Elles seront fortes pour échanger avec les acteurs publics sur les aménagements, la création de nouvelles zones commerciales… Un dispositif qui a déjà suscité l’intérêt de plusieurs communes, telles que Salins-les-Bains, Cognac, Saintes, Paris avec la SEMAEST, le département de la Lozère (5 villes), Enghien-les-Bains…

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Ce qui n’empêche pas pour autant de communiquer de manière plus personnelle, à travers une page Facebook ou un site web. « C’est une nécessité vitale, affirme Annick Jehanne. Nous sommes tous sur les réseaux sociaux, c’est là où l’on se parle. Il faut bâtir un réseau virtuel et créer des contenus intéressants pour inspirer les réactions des consommateurs, susciter l’envie de faire le déplacement ». Le détaillant doit aussi miser sur sa relation forte avec son client pour communiquer de façon personnalisée, par l’envoie d’e-mailing ou de SMS lors d’événements spéciaux. « Il est aussi nécessaire de comparer le fichier client à la zone de chalandise pour savoir si l’on cible réellement tous les clients possibles, surtout en centre-ville où cette zone est encore plus étendue qu’en centre commercial », rajoute Thibault Le Carpentier. 

3) Savoir s’entourer

« Aujourd’hui, le métier de commerçant est devenu très complexe, le commerçant indépendant ne doit pas avoir peur de solliciter de l’aide et des conseils », affirme Daniel Wertel, de la Fédération Française du Prêt-à-Porter Féminin. C’est là tout le rôle des fédérations professionnelles qui disposent d’experts pour accompagner les adhérents dans leurs démarches juridiques, sociales mais aussi commerciales. « Les détaillants doivent se former aux métiers de l’information et de la communication. Il faut dédramatiser la situation et se mettre dedans, et quand les résultats sont là, ça motive à en faire plus », soutient Annick Jehanne. Même logique pour la création d’unions commerciales où l’expérience d’un consultant peut s’avérer précieuse. « Lorsque l’on intervient, on établit un plan d’action de 3 à 5 ans, avec des outils qu’on met à disposition pour pouvoir mesurer l’impact de chaque action menée, ça permet de convaincre les autres commerçants de rejoindre le mouvement », explique Thibault Le Carpentier. Sans aller chercher trop loin, les partenaires commerciaux sont aussi là pour orienter les indépendants. « Régulièrement nous aidons nos clients détaillants dans leur recherche de financements pour leur magasin ou encore nous les conseillons sur des aspects marketing ou merchandising », confirme Christophe Salmon, gérant de la société ANWR Garant, groupement d’achat dans la chaussure, la maroquinerie et le textile. « Tous les jours nous donnons des conseils à nos revendeurs, ils nous demandent des réflexions sur les soldes, quelles sont leurs marges, à quelle heure ils doivent ouvrir leur boutique, l’ouverture le dimanche, l’embauche… en tant que partenaire on se doit de leur parler, de nouer des relations plus étroites, confirme Gérald Avakian, gérant de Carla Raffi, grossiste en habillement. C’est aussi dans notre intérêt qu’ils se développent ».

« Le commerçant indépendant a besoin d’unions commerciales pour pouvoir mieux communiquer »

4) Monter en créativité

Afin d’échapper à la concurrence des géants de l’habillement, de nombreux détaillants ont décidé de modifier leur offre en la nivelant par le haut. « Je suis monté en gamme et ça marche ! », certifie Hervé Huchet. « Dans le moyen de gamme c’est très difficile d’attirer mais surtout de fidéliser le client, notamment lorsque l’on commercialise des marques connues. En revanche, pour le haut de gamme, la concurrence est moins forte et le client vient également pour le conseil qu’on peut lui apporter », rajoute Alban Gauthier, gérant de 13 boutiques Di Micheli à Aix-en-Provence et à Marseille. Une montée en gamme certes, mais pas forcément un cantonnement vers le haut ou très haut de gamme. « Nous avons des marques qui sont capable de fournir des produits de très bonne qualité dans le moyen de gamme », explique Daniel Wertel, qui soutient davantage « la montée en créativité plutôt que la montée en gamme ». « Notre force à nous détaillants, c’est justement notre capacité à valoriser le produit grâce à l’agencement de la boutique, la diversité de l’offre, ou encore la compétence des vendeurs, souvent bien meilleurs et plus impliqués qu’en succursale », poursuit Ourdya Pfalzgraf, détaillante à Strasbourg. « Dans une société de consumérisme, le détaillant ne peut délaisser le moyen de gamme qui rassemble la clientèle la plus nombreuse », conclut Gérald Avakian.

« Le détaillant doit élargir son offre car le client est à la recherche d’un style plus que d’un produit »

5) Élargir l’offre

Le succès grandissant des concepts stores en est la preuve : plus qu’un produit, le client est désormais à la recherche d’un style lorsqu’il entre en boutique, et pour cela, il faut que l’offre soit complète. « Beaucoup de détaillants nous parlent de leur volonté d’avoir aujourd’hui une gamme de produit plus élargie : lingerie, chaussure, maroquinerie… ils veulent créer un magasin multimarque et multi produit, articulé autour du vêtement, mais aussi de la personne », confirme Alain Sayac, dirigeant de la marque Diego Reiga. « C’est d’ailleurs l’essence même d’un magasin multimarque de varier les marques et les produits pour offrir des mix variés et originaux à ses client », poursuit Alban Gauthier. Proposer de la chaussure est aujourd’hui devenu presque incontournable, et c’est l’occasion même pour le détaillant d’élargir son domaine d’expertise, « car la chaussure, c’est un vrai métier », rappelle Philippe Daquai, président de la Fédération des Détaillants en Chaussures de France. « Dans la chaussure, contrairement à l’habillement, le nombre d’acteurs est moins important et il y a donc la possibilité de nouveaux entrants », poursuit-il. « J’ai commencé à agrandir mon offre il y a quelques années et aujourd’hui, 60 % de mon chiffre d’affaires se fait dans la chaussure et l’accessoire », confirme Hervé Huchet. Du multimarque au multi produit, il n’y a ainsi qu’un pas et comme le rappelle Daniel Wertel « tout est possible pour un indépendant, il faut juste être cohérent dans sa transversalité et être capable de véhiculer les idées que l’on veut faire passer ». Le message est clair : dans cette période de transition économique, les détaillants doivent oser le changement, non seulement pour survivre, mais aussi développer leur activité !