Que se passe-t-il à la Fédération Nationale de l’Habillement ?

Humiliations, mises au placard, harcèlements… Plusieurs personnes nous ont contactés afin de témoigner de conditions de travail pénibles à la Fédération Nationale de l’Habillement. Par ailleurs, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer l’ampleur et le manque de transparence dans les dépenses engagées ces dernières années. Et dénoncent une élection tronquée au printemps dernier. Alors info ou intox ? Enquête exclusive.

De fait, notre enquête débute au mois de mai 2017, juste après la publication d’un communiqué dans lequel nous annoncions la tenue d’une élection à la Fédération Nationale de l’Habillement (FNH). Notre article avait alors été vivement critiqué par la direction actuelle sur les réseaux sociaux, la secrétaire générale, Bernadette Fulton, le qualifiant même de « manipulation indigne ». Une réaction qui avait suscité notre incompréhension, dans la mesure où nous nous contentions seulement d’exercer notre métier de journaliste. Par la suite, plusieurs membres du comité directeur nous contactaient afin de faire part de soupçons « d’arrangements » afin que Bernard Morvan puisse briguer un troisième mandat à la présidence de la Fédération. Les mois passant, de nouveaux témoignages venaient confirmer ces accusations, quand d’autres évoquaient l’instauration d’une nouvelle gouvernance à la FNH, qui ne serait pas sans dommage sur la santé des salariés. Face à la récurrence des appels à la rédaction et l’accumulation d’éléments concordants, nous nous devions d’apporter à nos lecteurs “un coup de projecteur”. D’autant que depuis la création de notre magazine, nous n’avons de cesse d’encourager les détaillants à rejoindre un syndicat professionnel.
Cette longue enquête, en 3 parties, nous a ainsi amenés à “pousser des portes closes”, et à poser des questions auxquelles la direction de la FNH n’est visiblement pas prête à répondre. Nous allons donc essayer d’y voir plus clair, installez-vous confortablement, moteur…

Première partie : Plaintes sur les conditions de travail

« Au début nos rapports étaient cordiaux et bienveillants, puis progressivement cela s’est dégradé. Quand Bernadette Fulton veut vous mettre à terre, elle emploie tous les moyens pour arriver à ses fins ». 4 ans après son départ, les blessures ressenties par Marie Neto vis-à-vis de l’actuelle secrétaire générale de la Fédération Nationale de l’Habillement (FNH), ne se sont pas atténuées. L’ancienne chargée de communication et de formation n’est pas la seule à tenir ce discours. Au mois de septembre 2017, une procédure aux prud’hommes a été engagée. Dans le dossier qui a été monté et que nous sommes parvenus à nous procurer, deux ex-salariées, dont Marie Neto, ont corroboré le témoignage émanant de la salariée plaignante. « Lorsque j’ai appris qu’une personne avait engagé cette procédure, j’ai décidé de lui apporter mon soutien, alors même qu’elle ne m’avait rien demandé », certifie Marie Neto. Une démarche similaire à celle entreprise par l’autre témoin, qui préfère quant à elle rester anonyme, mais affirme dans sa lettre que son soutien est aussi spontané.

Parmi tous les salariés qui étaient en poste avant l’arrivée de Bernadette Fulton à la FNH, il n’en reste aujourd’hui plus qu’une seule

Tous dénoncent le même type de comportement qu’aurait Bernadette Fulton. « Elle a constamment besoin d’avoir un bouc-émissaire, une personne sur laquelle elle peut se défouler, et dès que cette personne craque, elle en choisit une nouvelle », dénonce Sarah (le nom a été modifié pour des raisons de confidentialité), qui est sur le point de quitter la FNH. « La première en avoir fait les frais c’est Marie Neto, Mme Fulton m’avait alors expliqué à l’époque qu’elle “allait la pousser à bout jusqu’à ce qu’elle craque“ », confirme par écrit une autre ex-salariée. Les plus anciens semblent être dans le viseur de la secrétaire générale, qui ne manquerait pas une occasion de tenir des propos durs à leurs égard. « Dès l’instant où elle a été recrutée, elle n’a eu de cesse de critiquer tout ce qui avait été fait avant son arrivée, en n’épargnant personne : les salariés, les membres du comité directeur, qui sont encore aujourd’hui régulièrement insultés et moqués, mais surtout l’ancienne direction, ajoute Sarah. Elle ne perdait pas une occasion pour dénigrer le travail de sa prédécesseur, Sandra Vassy, alors même qu’elle était appréciée de tous et que la qualité de son travail faisait l’unanimité. » Aujourd’hui, les anciens ne sont d’ailleurs plus très nombreux. Selon nos informations, il ne reste plus qu’une seule salariée au siège qui était déjà en poste avant l’arrivée de Bernadette Fulton à la FNH. Avec à chaque fois la même méthode qui aurait été utilisée pour inciter les personnes à partir : mise au placard, accusations de harcèlement vis-à-vis d’autres salariés, diffamations et rumeurs, et même lors d’un cas, des insultes à caractère raciste auraient été proférées. Dans la plainte aux prud’hommes qui a été déposée, la salariée plaignante explique ainsi s’être vu reprochée de pratiquer le ramadan, et plus généralement le fait d’avoir des origines étrangères. « Si Marine Le Pen passe aux élections, les *** [Ndlr, la famille de la salariée plaignante] devront rentrer chez eux », peut-on notamment lire dans la plainte.

« Tout le monde en prend pour son grade : les salariés, les anciens dirigeants mais aussi les membres du comité directeur, qui sont régulièrement insultés et moqués »

Toutes les personnes interviewées affirment avoir subi des chocs psychologiques importants. Certaines expliquant encore aujourd’hui leur crainte de se retrouver face à Bernadette Fulton. « J’ai dû quitter une entreprise dans laquelle je m’épanouissais professionnellement depuis 10 ans et où mon travail et mes compétences étaient appréciés, cela à cause du harcèlement exercé par mon supérieur hiérarchique », regrette toujours Marie Neto. Des accusations graves que nous n’avons pas pu confronter avec la version des faits de la principale intéressée. Contactée à de multiples reprises ces dernières semaines, Bernadette Fulton n’a jamais répondu à nos demandes d’interviews.

Que fait la direction ?

Si les langues se délient aujourd’hui pour dénoncer le management de Bernadette Fulton, les accusations pleuvent également à l’encontre du Président de la FNH, Bernard Morvan, qui n’aurait rien fait pour remédier à la situation. « Lorsque Mme Fulton a commencé à me prendre en grippe, je suis allée le voir pour lui expliquer ce qui était en train de se passer, ce à quoi il m’a répondu : “Marie, vous vous en faites pour rien, vous avez un caractère pas simple“ », se souvient Marie Neto. « Mr Morvan est parfaitement au courant de la situation, mais il ne fait rien pour y remédier. Les ressources humaines ça ne l’intéresse pas », dénonce de son côté Sarah, qui a elle aussi alerté le Président sur les agissements de Bernadette Fulton. Dans un témoignage écrit, une ex-salariée va même plus loin, accusant notamment Bernard Morvan d’avoir voulu assombrir son futur professionnel, « en rapportant des propos calomnieux auprès de mon employeur futur », ce que nous a confirmé ce dernier. Pour autant, une majorité s’accorde à dire que Bernard Morvan aurait été dépossédé de son pouvoir de direction. « C’est peut-être lui le dirigeant sur le papier, mais dans les faits c’est elle qui dicte sa loi », affirme Sarah. Un avis partagé par plusieurs membres et ex-membres du comité directeur. « Aujourd’hui c’est Bernadette qui tire les ficelles. Elle veut garder la main sur la FNH car elle a peur que son poste soit remis en question avec l’arrivée d’un nouveau président en fin d’année, confirme Emile Sebag, ex-Président FNH de la région Île-de-France (d’après nos informations, ce dernier vient tout juste de quitter la Fédération). C’est ce qui explique en partie le turn over important, au niveau des salariés, mais aussi des administrateurs. » Même son de cloche lorsque l’on interroge Gérard Chical, ancien administrateur historique de la FNH. « Bernard Morvan a délégué trop de pouvoir à Bernadette Fulton, et aujourd’hui il se retrouve coincé dans ce système », analyse-t-il.

« Bernard Morvan est parfaitement au courant de la situation, mais il ne fait rien pour y remédier. Les ressources humaines ça ne l’intéresse pas »

De nombreux administrateurs et ex-administrateurs estiment ainsi avoir été bernés par la direction. « On était loin de se douter de la situation, témoigne Carol Bleitrach, Président du syndicat textile de la région Haut-de-France, affilié à la FNH. Lorsque l’on est en province, on ne sait pas vraiment ce qu’il se passe au siège à Paris, et le peu d’information que l’on a, c’est la direction qui nous les donne. » Marie Neto a ainsi appris auprès d’anciens administrateurs que Bernadette Fulton aurait justifié son départ pour des soi-disant faits de vol. « Ça m’a mis dans une colère noire, se souvient-elle. D’autant plus qu’elle a sali mon nom auprès de personnes que j’appréciais. » Depuis la plainte déposée aux prud’hommes, certains membres du comité directeur commencent pourtant à se poser des questions. « Lorsque j’ai été mis au courant de la situation, j’ai voulu en savoir plus, ce à quoi la direction m’a répondu que ce n’est pas mes oignons, témoigne une administratrice, qui préfère rester anonyme. Ils veulent nous tenir à l’écart en quelque sorte. » Ce que semble confirmer Jean-Loup Becker, Vice-Président de la FNH et soutien de Bernard Morvan, lorsque nous l’interrogeons sur la question. « C’est une affaire qui concerne seulement Bernadette Fulton et la salariée plaignante », relate-t-il. Pourtant, lorsque le harcèlement moral est avéré, les dirigeants de la structure engagent leur responsabilité civile et pénale. Et, dans les statuts de la FNH, il est indiqué que « le Comité Directeur est l’instance dirigeante fédérale ». Par ailleurs, Carol Bleitrach nous affirme avoir transmis le dossier de la plaignante à l’ensemble des membres du comité directeur, ce que nous confirment plusieurs d’entre eux. Dès lors, ces derniers s’exposent aujourd’hui non seulement à des risques de poursuite pour complicité, mais seraient également susceptibles d’engager leur responsabilité civile et pénale en tant que membre de l’instance dirigeante. Contacté à de multiples reprises, Bernard Morvan n’a lui non plus jamais donné suite à nos demandes d’interviews.

La suite de cette enquête vous plonge au cœur du fonctionnement de la FNH. Un travail d’investigation et d’analyse des témoignages, sous la pression de la direction actuelle, qui a menacé de nous poursuivre en justice avant même la parution de l’article ! Toutes les révélations dans la suite de notre enquête exclusive.

Deuxième partie : La politique de la FNH en question
Troisième partie : L’élection controversée du président de la FNH
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