« Quelques dizaines de centimes par article » : c’est le montant des frais envisagés pour faire face à la “submersion” de colis chinois et ce n’est pas une blague.
Face à l’afflux massif de colis en provenance de plateformes comme Shein ou Temu, le gouvernement français prépare un plan d’action pour rétablir une forme d’équité fiscale et commerciale. Mais les mesures envisagées ne permettront pas d’endiguer la déferlante de produit asiatiques, alors que les commerçants et les professionnels de la mode, dénoncent depuis des mois une concurrence déloyale.

2 millions par jour, c’est le nombre de petits colis qui arrivent en France depuis la Chine, via les plateformes Shein, Temu ou encore AliExpress. Le chiffre donne le tournis et explique en partie, la chute des ventes des acteurs traditionnels, notamment dans le secteur de la mode. Profitant d’une franchise douanière sur les importations de biens de moins de 150 euros, ces envois échappent dans la plupart des cas à la TVA et aux droits de douane. Une situation que Bercy souhaite – enfin – corriger.
Le gouvernement prévoit ainsi d’imposer un nouveau cadre réglementaire pour soumettre ces envois à une fiscalité plus juste, tout en veillant à ce que le surcoût ne soit pas directement répercuté sur les consommateurs. Il s’agit d’une question de souveraineté économique, mais aussi de justice sociale envers les professionnels installés en France.
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Des acteurs français sous pression, un secteur fragilisé
Le modèle “ultra discount” proposé par ces plateformes menace directement des milliers de points de vente et met à mal les efforts de relocalisation ou de production responsable. « Comment rivaliser avec des t-shirts à 2€ envoyés sans taxe depuis l’autre bout du monde ? », s’interroge ainsi Patrice, détaillant en prêt-à-porter femme, à Rouen.
La Fédération Nationale de l’Habillement (FNH), qui représente les commerces indépendants du secteur, rappelle que ces importations massives participent à la désertification commerciale et accentuent la fragilité économique des boutiques françaises. « Il est urgent que ces plateformes soient soumises aux mêmes règles fiscales et environnementales que nos entreprises », plaide la FNH. « Ces acteurs exploitent les faiblesses du système juridique européen, il est urgent de prendre des mesures fortes pour protéger nos entreprises françaises », appuie Jean-Pierre Gonet, président de la Fédération des Détaillants en Chaussures de France (FDCF).
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Vers un encadrement européen et technologique
Le plan gouvernemental, qui devrait être présenté dans les prochaines semaines, s’inscrit dans une démarche plus large, européenne et coordonnée. Bruxelles travaille également sur une refonte des franchises douanières, avec une suppression envisagée du seuil de 150 euros d’exonération. Côté français, des solutions technologiques sont à l’étude, notamment un meilleur contrôle automatisé à l’arrivée des colis et un renforcement des obligations pour les plateformes.
Cependant et alors que la suppression de franchise douanière sur les colis de moins de 150 euros ne devrait pas intervenir avant 2028, la France entend aller plus vite. Le gouvernement propose de créer une coalition avec des pays comme l’Allemagne ou les Pays-Bas, afin de mettre en place, dès 2026, des frais de gestion forfaitaire appliqués aux importateurs et aux plateformes. « L’objectif, c’est d’aller vite », s’est engagée la Ministre chargée des Comptes publics, Amélie de Montchalin, précisant que ce mécanisme vise à protéger la sécurité, l’économie et les finances publiques européennes.
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Des mesures attendues de pied ferme par les commerçants, et notamment dans le secteur de la mode, mais de l’aveu même de la ministre, les frais de gestion représenteraient « quelques euros par colis, ou quelques dizaines de centimes par article ». Pour la CPME (La Confédération des petites et moyennes entreprises) « le gouvernement est à côté de la plaque ». Et de fait, cette déferlante de produits asiatiques ne va pas cesser avec le prix moyen d’une robe qui passerait simplement de 13 à 14 €. Pierre Bosche, président de la CDF (Confédération des commerçants de France), prévient et met en garde : « Le commerce de proximité est essentiel à l’économie française, mais aussi à la vie sociale de nos villes et villages. Laisser Shein, Temu et d’autres plateformes agir sans contrôle, c’est risquer de voir disparaître un pilier fondamental de notre société . »