DÉBAT : Avions nous vraiment besoin d’un « Primark français » ?
Alors que les concepts d’écoresponsabilité et de durabilité sont régulièrement mis en avant, les enseignes de fast fashion poursuivent leur développement effréné. En 2022 c’est Naumy, le « Primark français », qui a multiplié les ouvertures. Maintenant que l’on mesure les conséquences sociales et environnementale, ne faudrait-il pas réguler ce système « d’importer / jeter » ?
« Vous êtes une fashion victime et rêvez de renouveler votre dressing chaque semaine ? Naumy vous propose chaque jour de nouveaux looks ultra tendances à prix mini ». Oui, vous avez bien lu, dans son accroche commerciale, Naumy incite carrément les consommateurs à renouveler leur dressing chaque semaine ! Et pourquoi pas chaque jour ? D’autant que dans cette enseigne, tous les jours de nouveaux looks sont proposés à des prix défiants toute – saine – concurrence.
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La fast fashion continue de faire tache, malgré les nombreux fléaux dénoncés : environnement lourdement impacté, conséquences sociales désastreuses sur les ouvriers, ainsi que sur les vendeurs, comme nous l’avions dénoncé dans les magasins Primark. Peut-on encore développer le concept en toute impunité en 2023 ? Malheureusement la réponse est oui, et en période d’inflation certains feront valoir le facteur prix. Il est vrai qu’avec des pulls à 10 euros, des robes à 25 euros, ou encore de la lingerie à moins de 10 euros, Naumy comme ses confrères Primak et Shein ne manquent pas d’arguments pour séduire nombre de consommateurs, ainsi que les politiques qui, souvent, ne jaugent qu’au travers du prisme du pouvoir d’achat.
Mais n’oublions pas que Tout se paye un jour. Lorsque l’on autorise l’importation massive de vêtements fabriqués à des coûts qui ne permettent pas à des êtres humains de vivre avec un minimum de décence, ce sont des millions de familles qui en payent le prix. Des ouvriers asiatiques qui loin de gagner leur vie, triment toute leur vie et imposent – bien malgré eux – une concurrence déloyale à nos industriels qui en payent eux aussi le prix. Et, dès lors que l’on connait les dégâts environnementaux causés par le secteur de la mode, 35% des microfibres plastiques rejetées dans les océans et plus de 20% de la pollution industrielle des eaux pour ne citer que ces chiffres, les gouvernements et l’Europe en premier lieu, ne devraient ils pas imposer une mode durable ? Comme le souligne Yann Rivoallan, Président de la Fédération Française du Prêt à Porter Féminin dans son dernier édito, «pour apprendre à consommer “durable”, une première action est évidente : nous ne pouvons laisser la Fast Fashion accélérer dans “l’ultra”, entrainant une destruction environnementale sans aucune éthique responsable et humaine. Cette façon de produire et de faire consommer doit être régulée».
La nécessité de changer de modèle
Il est temps de passer du système importer/jeter au concept bien acheter/mieux revendu. Le prix mini étant l’élément déclencheur de la fast fashion, il est temps que celui-ci reflète tous les coûts induits que notre société sera bien obligée de prendre en charge. Il est temps d’inciter le consommateur à adopter un comportement d’achat responsable. Ai-je vraiment besoin de ce vêtement ? Puis-je le trouver moins cher en occasion ou vais-je acheter une pièce de qualité que je pourrais conserver ou revendre à bon prix ?
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Enfin est-il toujours judicieux d’acheter compulsivement dès qu’une notification Vinted s’affiche ou est-il préférable d’aller jeter un œil en boutique pour trouver des vêtements d’occasion d’un meilleur rapport qualité prix ? L’avis et le savoir-faire d’un professionnel est un atout précieux lorsque l’on recherche des articles de mode de seconde main. Peu de mauvaises surprises avec des pièces en magasin qui ont été examinées auparavant par le détaillant, sans compter qu’il est possible de les essayer. Des commerçants capables également de déterminer le juste prix, grâce à un logiciel de pricing qui va ainsi déterminer « une côte argus ».
Quand mieux acheter rime avec mieux porter et se solde par une pièce mieux revendue, a-t-on vraiment besoin de Naumy pour faire baisser les prix ?
D’accord, pas d’accord ? Indiquez en commentaire votre vision d’une autre mode.
authier
11 janvier 2023 @ 20 h 46 min
Pendant 20 ans, l’Europe nous a promis de mettre en place une taxe sociale à nos frontières. A ce jour, rien de fait; il faut dire que 43000 fonctionnaires au parlement européen, c’est surement un peu juste. Maintenant, on nous parle de taxe carbone, mais pas pour le textile. Ah les lobby …