Des chausseurs sachant chausser… Français !

Reconnue depuis 2016 comme un métier d’art, la fabrication de la chaussure a trouvé bel écrin dans le « Made In France », écosystème de savoirs faire uniques, d’acteurs investis et engagés. De la sandale à la boot, du chausson à la basket, par temps de pluie ou au soleil, la chaussure fabriquée en France va sur tous les fronts et talons.

Ector, la première sneaker fabriquée en économie circulaire née au coeur de la Drôme.

En 2023,150 marques de chaussures, émergentes ou anciennes, ont choisi la fabrication française, entrelaçant innovation, création et artisanat. Un formidable élan lancé par une majorité d’entreprises ayant un atelier ou une usine, des créateurs, des bottiers, des mini-ateliers… Un élan qui entraine : « Des acteurs sollicitent des fabricants en France, pour une ou deux séries de chaussures, afin d’offrir dans leur gamme des modèles fabriqués en France. C’est le cas de Puma qui lance le sien », note Clémentine Colin-Richard, présidente de la Fédération Française de la Chaussure.

La fabrication française représente un CA de 651 millions d’euros en 2023 et se répartit bien sur le territoire : « En tête, la Nouvelle Aquitaine, 28 % du CA national, des acteurs du luxe, de la chaussure d’intérieur, de sécurité, la botte en caoutchouc, le chausson de danse, au total une trentaine d’entreprises. Talonnée de près par Cholet et les Pays de Loire, 24 % du CA, avec une diversité de produits. Puis le Grand Est, 22 % du CA avec moins d’acteurs mais de grosses structures, l’Occitanie,11 % du CA, et l’Auvergne Rhône-Alpes, 7 % environ, historiquement son plus fort résultat ».

En Occitanie, le savoir-faire intemporel de La Botte Gardiane.

Une diversité territoriale qui montre qu’il y a de quoi faire vivre le savoir-faire national ou local dans sa boutique, un levier attractif aussi pour les touristes. Le MIF (Made in France) a d’ailleurs le vent en poupe hors de ses frontières : « depuis 2010, environ 40 % de la fabrication française est exportée. A l’étranger, il n’est pas perçu comme cher car ils l’appuient sur d’autres valeurs que le prix seul », rappelle Clémentine. Des valeurs à voir comme des atouts de différenciation, de vente et de fidélisation qui aident le détaillant à remplir au mieux son métier de conseiller-vendeur et à assumer un prix plus engageant.

Réassurance

Le MIF incarne un réel gage de qualité de fabrication du produit et du choix de matières dans le respect des normes françaises et européennes. De par son cahier des charges exigeant, le MIF offre un vrai rapport qualité-prix, un taux de retour faible et une durée de vie plus longue du produit. Les certifications tels que EPV (Entreprise du Patrimoine Vivant) et Origine France Garantie valorisent la démarche auprès des consommateurs et les avancées techniques font aussi bouger les étiquettes, ainsi « S24, chaussure de sécurité en Aquitaine, vient d’investir dans une toute nouvelle chaîne de production automatisée qui permet un positionnement prix plus attractif », appuie Clémentine.

Passionnés, les entreprises et marques ne s’endorment pas, leur quête d’innovation et d’adaptation est inscrite dans leur ADN pour pérenniser un savoir-faire. La proximité et leur approche personnalisé offre plus de flexibilité dans leur relation commerciale avec les revendeurs. Pour exemple, la marque de chaussons La Vague, labellisée France Origine Garantie et dirigée par Anne Lise Morin : « Même sur un produit d’intérieur, on travaille toute l’année, on a les ouvrières. Le détaillant peut travailler avec nous sans quantitatif de pack imposé, avec libre choix du nombre de paires et de répartition par pointure. Le réassort fonctionne même pour 1 ou 2 paires car on travaille en petites séries et sur place. Le MIF permet aussi de meilleurs services en boutique : SAV, retours simplifiés, ou comme le note Clémentine, « la création d’ateliers tel un RV expérience pour l’entretien des chaussures ».

Engagement

Système de précommande, production à volumes raisonnés, rémunération équitable des artisans, améliorations en matière de fabrication et conditions de travail… le MIF est le principal garant d’une consommation responsable, environnementale et sociétale. « Son prix incarne la participation des entreprises au territoire et au respect des règles sanitaires, de droits du travail », souligne Clémentine. Les 90 entreprises françaises dédiés au MIF représentent ainsi 3700 emplois directs. La durabilité intrinsèque du produit fait aussi sens, certaines marques optent pour une éco-conception basée sur des matières plus respectueuses de l’environnement ou plus facilement réparables et recyclables.

Sessile, la sneaker durable et réparable fabriquée en plein Maine et Loire

Chez Sessile, marques de sneakers mixtes, « cela fait partie intégrante de l’ADN, nos produits sont réparables dans un 1er temps et quand la paire a atteint son point de non-retour, elle est recyclée contre un bon d’achat. On en crée du broya qu’on injecte dans du caoutchouc existant pour refabriquer des semelles,1 brevet a été déposé sur cette technique », explique Aurélien Morelle, Responsable Marketing, Communication & Digital.

Valorisation

L’engagement qualitatif et durable des marques MIF n’est pas juste dans le produit, il perdure dans la relation commerciale et la communication, et rejaillit sur le détaillant dans son rôle de conseiller et d’ambassadeur : « Plus de contact avec la marque, plus de connaissance de la structure, de l’atelier, donc une plus grande transparence dans la fabrication du produit et une meilleure réponse au consommateur qui veut savoir et veut de la différenciation », développe Clémentine.  D’autant que les acheteurs se fidélisent plus facilement sur un produit incarnant des valeurs, le lien émotionnel déclenché engage la marque tout comme elle sert sa popularité.

La marque Sessile a ainsi fait participer sa communauté au design d’un nouveau produit pour l’hiver 2025, une boot mixte. Une opération ludique, pédagogique et commerciale, « où les participants demandent de garder les promesses des débuts : un produit réparable, durable, confortable. La prise de risque est minime une fois le produit validé en amont auprès d’eux, c’est rassurant du point de vue business model et aussi pour les détaillants. On répond à un besoin tout en contribuant à l’image de la marque, à sa notoriété », résume Aurélien.

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A pas stylés

En face, l’engouement des consommateurs de plus en plus nombreux en quête de sens : 82 % des Français sont prêts à acheter une paire de chaussure fabriquée en France selon une enquête de la FFC en 2024. L’offre se répartit sur un large spectre de produits : 53 % en chaussure ville et détente, 28 % en chaussure d’intérieur, 16 % en chaussure professionnelle et 3 % en sport.

Marque iconique du Cholet, Méduse y fabrique aussi ses bottines.

L’empreinte de la chaussure dite traditionnelle marque des identités très diverses : Arche, Mephisto, Méduse, Heschung, Gatine… Azurée, Atelier Snallis ou Couleur Tong habillent les pieds féminins, Bellamy les kids, Joseph Malingre ou Le Formier les messieurs… Certaines sont labellisées Entreprises du Patrimoine Vivant comme Paraboot, La Botte Gardiane, Bosabo, Le Soulor. D’autres font leur entrée : Les Duchesses, du féminin haut de gamme personnalisable, référencée au Printemps, ou Evi, des sneakers haut de gamme à l’ADN épuré et affirmé.

Les Duchesses, une jeune marque au concept malin nichée dans la Drôme.

Sur le marché de la sneaker, la fabrication française a un galop d’avance par son approche écoresponsable : par exemple, Génération Sens par l’Atelier Made in Romans, des baskets en tissus et cuirs de fins de série de l’industrie textile. Ou Sessile, citée plus haut, des matériaux traçables, une conception durable et 80 % de la collection certifiée Origine France Garantie. Enfin Ector, la première sneaker fabriquée en économie circulaire, tricotée à partir de bouteilles en plastique recyclées, 100 % vegan et recyclable.

Le chausson relifté version mule et fun ! Ici made in Périgord chez Airplum.

Le chausson n’est pas en reste, porté par la charentaise chez Esperluette ou Chausse Mouton, la berryzienne de La Pantoufle Du Berry, la semelle à mémoire de forme d’Airplum, le cousu américain épuré d’Erel, le slipper chic de Volubilis… La tendance du chausson à porter dedans/dehors lui donne un nouvel élan, avec en produit phare la mule : sur semelle plate et fine chez La Vague, dernière marque française à fabriquer des semelles en caoutchouc vulcanisé. Ou nouveau chez Sessile, la mule toile pensée comme un chausson d’été mais avec une semelle d’extérieur identique à leur sneaker. Enfin, à noter, le pas de côté de l’espadrille vers le chausson d’hiver, telle La Maison de l’Espadrille et ses motifs fun, ou chez Payote, le chausson sur semelle d’espadrille.

L’alternative estivale du chausson chez La Vague, basée dans la Sarthe.

Des chaussures qu’un segment de consommateurs français et de touristes étrangers en quête d’authenticité souhaitent découvrir chez les détaillants français. Et une filière à promochionner 😉 : « Cherchez vos chaussures chez des chausseurs sachant chausser…Français ! » 

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