Quelle stratégie adopter face aux promotions ?
Soldes d’hiver, soldes d’été, ventes privées, déstockages, 3J, Black Friday, French Days, Prime Days… les promotions ont envahi le marché de la mode ! Dans ce contexte destructeur pour les marges, des commerçants dévoilent leurs stratégies pour survivre.
« Les promotions ont tué le marché, si bien que le consommateur ne connaît plus le juste prix de la mode. Et nous, détaillants, nous sommes les dindons de la farce, car nous ne pouvons pas sacrifier nos marges comme le font les grandes enseignes. » Si le constat de Richard Mihel, de la boutique Serge, à Saint-Raphaël, est partagé quasi unanimement dans la profession, il en appelle aussi à des solutions, car le commerce indépendant a encore son mot à dire. Et s’il faut jouer le jeu des promotions pour continuer à être de la partie, autant le faire intelligemment. Témoignages.
Les ventes privées ont la cote
Pour savoir quelle stratégie adopter face à la multiplication sans fin des promotions, nous avions sollicité, avant la pandémie, l’avis des détaillants et gérants de marques de mode sur la question (voir résultats détaillés en fin d’article). Parmi les principaux enseignements à retenir, les soldes restaient toujours un évènement de premier plan, 97% des sondés déclaraient y participer, même si depuis certains détaillants y ont renoncé. Nombre de commerçants se sont en revanche convertis aux ventes privées (48% des répondants). « Nous en programmons deux par an, à chaque fois la semaine qui précède les soldes, témoigne par exemple Isabelle Fressier, gérante de Clélia Boutique, à Saint-Malo. Nous communiquons uniquement sur fichier client, il n’y a aucun affichage en boutique. »
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De véritables ventes privées donc, à l’opposé de ce que pratique la plupart des grandes enseignes, qui n’ont de privées que le nom. Et tant pis si plus de la moitié des répondants à notre enquête affirment qu’ils leur arrivent de se voir reprocher par des clients le fait que leur prix ne soient pas remisés ! Une pression à la baisse contre laquelle il est parfois difficile de résister. « Je me sens obligée de faire le Black Friday à cause de la proximité de mon magasin avec un grand centre commercial », regrette ainsi Elisabeth Bigeard, de la boutique Ligne 19, à Ecully.
La démocratisation de cet évènement importé des États-Unis semble d’ailleurs inquiéter nombre de commerçants, à un moment de l’année où il était encore possible de faire des marges. Car ne nous leurrons pas, à ce jeu des promotions à tout va, peu d’entreprises y trouvent financièrement leur compte. Seulement 2% des répondants jugent ainsi « très bonne » la rentabilité des opérations de promotions, et à peine 17% l’estiment comme « bonne ». À l’inverse, 27% la considèrent « faible » et 10 % même « très faible ». Les indépendants ne sont pas les seuls à souffrir : La Halle, Mango, Pimkie, NafNaf… les grandes enseignes aussi éprouvent les pires difficultés à dégager des profits.
Proposer des prix attractifs via la seconde main
Si la plupart des enseignes de mode se convertissent à la seconde main, c’est que le marché n’a jamais été aussi porteur. Une récente étude de l’Observatoire Natixis Payments montre ainsi que les achats de seconde main ont bondi de 140% en deux ans. Et la tendance devrait s’accentuer dans les prochaines années, d’après les spécialistes de la mode d’occasion.
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« Le marché de la seconde main dépassera celui de la fast fashion d’ici 2028 », prédit Paul Karam-Roux, co-fondateur de la start-up Freepry, le spécialiste de l’intégration des ventes de seconde main auprès des boutiques de mode indépendantes. D’ores et déjà, les quelques 250 commerçants qui utilisent cette solution de gestion de la mode d’occasion réalisent en moyenne un gain supplémentaire de 2500€ de chiffre d’affaires par mois ! Des résultats qui devraient pousser d’autres détaillants à estimer leur potentiel de revente de produits d’occasion, en fonction des marques commercialisées.
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Savoir fidéliser sans remise
Un marché de l’occasion dynamique, dans un contexte de baisse généralisée du secteur de la mode qui touche à la pérennité des commerces, et pousse certains commerçants à arrêter totalement les promotions. « Nous travaillons de plus en plus sur des évènements (6/an) qui engagent davantage le côté relationnel que l’aspect remise. Ce qui permet de préserver notre marge tout en ayant d’excellentes relations, plus étroites et basées sur la confiance avec nos clients, et ceci fonctionne très bien depuis 3 ans », explique par exemple Guy Barbieux, du magasin Townsfolk, à Bailleul. Miser sur la proximité plutôt que sur le prix est certainement la meilleure carte à jouer pour les indépendants.
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« Les petits plus que peut apporter le commerçant sont aussi appréciés. Nous devons trouver d’autres arguments que les promotions pour séduire la clientèle, appuie Jean-Luc Linares, de la boutique Collection 33, à Andernos- les-Bains. La possibilité de passer commande à l’avance, la livraison, les retouches offertes… ce genre de services personnalisés plaît au client. »
Faire de la pédagogie
Services personnalisés en boutique et promotions ciblées sont-ils deux stratégies incompatibles ? Pas forcément, à condition de savoir bien les mixer, et faire preuve de pédagogie. « Je prends souvent le temps d’expliquer à mes clients ce qui se cache derrière le système des soldes, les stratégies sournoises des grandes enseignes qui se moquent de leurs clients en gonflant les prix avant les soldes, etc… témoigne Aline Tran, de la boutique Les Rituelles, à Paris. À côté de ça je propose des promotions permanentes sur les fins de stocks ou bien j’applique un pourcentage de réduction pour l’achat d’un ensemble sur des produits des saisons dernières. »
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S’adapter en fonction de la variation de la marchandise disponible, de la relation que l’on entretient avec sa clientèle ou de l’environnement commercial, à chacun son avis et sa pratique vis-à-vis des promotions. Reste que tous s’accordent sur un point : pour se démarquer de la concurrence, rien ne remplace les fondamentaux. « Le service, l’accueil, la disponibilité, la chaleur humaine… c’est surtout cela que recherche le client quand il vient chez un indépendant, rappelle Jocelyne Morvan, du magasin Au fil de l’eau, à Morlaix. C’est ça notre identité à nous, nous vendons des produits et leurs histoires, et non pas des prix et des promotions. » À bon entendeur.